Le forum du JTBS: Le Racisme, les Ecritures et l’Histoire

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English: The SBJT Forum: Racism, Scripture, and History

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Par D.A. Carson À Propos de L'Harmonie Raciale
Partie de la série : The Southern Baptist Journal of Theology

Traduction par Géraldine Laville

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Avis aux lecteurs: ceci est extrait d'un forum. D. A. Carson, J. Daniel Hays, Paige Patterson, Ken Fentress, Michael A. G. Haykin, Anthony Carter et A. B. Caneday ont répondu par écrit aux questions spécifiques qui leur avaient été posées. Ces auteurs ne se répondent en aucune manière. L'objectif du Forum du journal est de donner accès aux opinions de grands penseurs sur des sujets intéressants tout en évitant à ces personnalités très occupées de rédiger de longs articles. Leurs réponses sont présentées de sorte à, nous l'espérons, offrir une lecture aussi cohérente que possible.

JTBS : Dans votre livre, Love in Hard Places, vous nous faites part de vos réflexions sur le racisme. Pouvez-vous nous résumer quelques-unes des pensées les plus dérangeantes qui vous viennent à l'esprit sur le sujet?

D.A. Carson: ce qui est dérangeant est propre à chacun. Sans classement par ordre d'importance, les réflexions qui suivent figureraient certainement sur la liste de nombreux Chrétiens vertueux.

(1) Sur le continent nord-américain, le racisme est souvent associé aux relations entre les Noirs et les Blancs. Sur le plan mondial, cependant, le racisme a plus de facettes. En général, les Japonais méprisent les Coréens ; en général, les Chinois les méprisent tous les deux ; et le tribalisme à fleur de peau de nombreuses nations africaines est d'une certaine manière une autre forme de racisme. Sans nul doute, la frontière entre le racisme et le ressentiment causé par les différences ethniques contribue à en faire un sujet difficile à cerner. L'antisémitisme, par exemple, peut être considéré comme une sorte de racisme (“La Suprématie arienne”), bien qu’il soit souvent associé à une idéologie (par exemple le nazisme) voire à une théologie aberrante (par exemple “Les Assassins de Dieu”), et presque toujours à des stéréotypes (par exemple: le nez crochu, des radins sans scrupule) et à la méfiance envers “l'autre,” quel que soit l'autre (dans ce cas précis, des stéréotypes liés à la kippa, des hommes aux chapeaux noirs et avec des boucles, le respect du Sabbat, et beaucoup d'autres dans ce style). Méditer avec clarté et profondeur sur le racisme est un immense défi.

(2) Dans le contexte américain, il est difficile de dissocier le racisme de l'histoire de l'esclavage. Mais on ne peut ignorer certains faits établis.

Premièrement, jusqu'au début du 19ème siècle, l'esclavage existait dans presque toutes les grandes civilisations². Les Hittites avaient des esclaves, les Chinois avaient des esclaves, les Israelites avaient des esclaves, les grandes tribus et empires africains avaient des esclaves, les Grecs avaient des esclaves, les Romains avaient des esclaves, etc. Ce qui n'excuse en aucun cas le barbarisme de cette institution. C'est précisément ce barbarisme fondamental et ses conséquences que les lois de l'Ancien Testament ont cherché à atténuer (avec l’Année du Jubilée et la codification de diverses lois). Cependant, n’oublions pas que pendant qu’environ onze millions d’Africains traversaient l’Atlantique réduits à l’état d’esclaves (nombre d’entre eux sont morts pendant le voyage: les conditions sur les bateaux étaient inhumaines), environ treize millions d’esclaves Africains étaient envoyés vers le Nord, souvent vers le Golfe arabique, dans des états arabes et africains.

Deuxièmement, une des spécificités de l’esclavage américain (par opposition à l’esclavage tel qu’il était pratiqué chez les Romains par exemple) est qu’il était lié à la couleur de peau noire, aux Africains. Sous l’Empire romain, il y avait des esclaves africains bien sûr – mais aussi des esclaves juifs, syriens, ciliciens, anglais, italiens. Les gens devenaient parfois esclaves car ils se retrouvaient sans le sou, la race n’était donc pas un critère. Parallèlement, il y avait aussi des gens de ces mêmes origines qui étaient riches ou nobles, ou, du moins, libres. Il n’y avait donc pas de lien entre l’esclavage et une race en particulier. Aux Etats-Unis, cependant, seuls les Africains étaient esclaves et, du moins au début, tous les Africains y étaient esclaves.

L’héritage de cette époque est difficile à mesurer mais est enraciné dans la perception que nous avons de notre culture. Le racisme s’exprime dans notre attitude envers les populations d’immigrés, bien sûr, (d’où des expressions telles que « ritals », « chintoques », « yeux bridés » etc.), mais seuls les Afro-américains étaient esclaves, pas les Américains d’origine européenne. Le résultat inéluctable est double: D’une part, un préjugé qui perdure et est difficilement admissible mais très répandu chez les américains qui ne sont pas d’origine africaine et selon lequel les Afro-américains seraient inférieurs, ainsi que l’idée non avouée qu’”ils” feraient mieux de mûrir et passer à autre chose et d’autre part, la crainte des Afro-américains d’être réellement inférieurs ou, ce qui n’est pas mieux, d’être considérés comme inférieurs et incapables d’être leurs égaux par les autres Américains. Si vous ajoutez à cela de nombreuses lois Jim Crow[1] encore ancrées dans les mémoires, et des comportements Jim Crow même une fois ces lois abrogées, et vous comprendrez mieux pourquoi il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Troisièmement, l’histoire explique le fait que beaucoup d’Afro-Américains aient une définition du racisme différente de celle des Américains d’origine européenne. Ces derniers considèrent que tout parti-pris négatif à l’égard d’une autre race, en pensée ou en fait, est du racisme, alors que les Afro-Américains considèrent que tout parti-pris négatif à l’égard d’une autre race, en pensée ou en fait, et associé à une forme de pouvoir, est du racisme. Ce qui signifie que si les Afro-Américains usent de stéréotypes déplaisants à l’égard des Américains d’origine européenne ou à l’égard, par exemple, des Juifs, des Américains d’origine asiatique, ils ne se considéreront pas comme racistes. Selon ces définitions, la plupart des Blancs sont racistes alors que les Noirs ne le sont pas. Voilà un des héritages de l’esclavage. Du point de vue de nombreux Noirs, si les Blancs préfèrent rester entre eux et entretiennent les stéréotypes sur les Noirs, c’est du racisme ; si les Noirs préfèrent rester entre eux et entretiennent les stéréotypes sur les Blancs, c’est à la fois compréhensible et bien mérité. Sur ce point, nous n’allons jamais avancer tant que nous n’admettrons pas tous à quel point nous sommes aisément contaminés par la peur de l’autre, surtout lorsqu’il s’agit de races.

(3) Nous devons admettre qu’en Grande-Bretagne, les autorités chrétiennes du début du 19ème siècle étaient en première ligne dans le combat pour l’abolition de l’esclavage alors que dans notre pays, elles se prononçaient le plus souvent pour son maintien. Oui, je sais, la situation était plus complexe que cela. En Grande-Bretagne, des dizaines de milliers de fidèles de l’église anglicane étaient plus que réticents à abolir l’esclavage au sein de l’empire britannique. Cependant, les Méthodistes, sous l’impulsion des prêcheurs Wesley, Whitefield, Harris, et leurs descendants et successeurs, ont fomenté une révolution sociale qui a transformé la structure sociale, et un aspect de cette transformation était l’abolition de l’esclavage. C’est ainsi qu’aux yeux d’innombrables observateurs, le christianisme virulent est apparu comme un acteur primordial d’un changement social bénéfique. Le commerce des esclaves à travers l’Atlantique a cessé bien avant la Guerre civile, en grande partie grâce aux canonnières anglaises (qui y ont aussi mis fin dans le Golfe arabique), après que l’Empire ait adopté une position abolitionniste. Mais ici, quelle que soit la complexité des facteurs (par exemple, les débats sur les lois fédérales), le fonds du problème demeure que les régions de notre pays dans lequel le plus grand nombre de chrétiens s’est exprimé ont donné l’impression que le Christianisme était en dernière ligne en termes de changement social bénéfique. Nous n’en avons pas fini avec cet héritage. A ce jour, les états de notre pays qui comptent le plus grand nombre de chrétiens sont ceux dans lesquelles la ségrégation raciale persiste le plus. J’ai visité de nombreuses églises étonnamment mixtes (en termes de personnel comme de fidèles) sur les côtes, mais beaucoup moins dans les parties du pays plus « conservatrices » et « chrétienne ». Il est difficile de ne pas avoir l’impression que les améliorations en termes de lutte contre le racisme ne sont pas majoritairement menées par des chrétiens (à quelques notables exceptions près, bien entendu), mais plutôt par d’autres, que nous finissons par suivre. Oui, je sais que le « politiquement correct » montre le bout de son vilain nez. Mais même après avoir pris connaissance de tous les éléments possibles, les démarches d’amélioration, ou l’absence d’amélioration, partout dans le pays, parlent d’elles-mêmes.

(4) On dit souvent que le dimanche matin à 11h est le moment le plus ségrégationniste de la semaine. C’est peut-être le cas. Mais de nombreuses anomalies sont à relever dans cette situation. Si les Américains d’origine européenne ont plutôt tendance à se réunir dans des églises monochromes, il en est de même des Afro-Américains – et aussi de la plupart des Américains d’origine asiatique (ou, plus précisément, il y a souvent des églises d’Américains d’origine coréenne, des églises d’Américains d’origine chinoise, des églises d’Américains d’origine vietnamienne, etc.). C’est une pratique propre aux groupes d’immigrants: quand les Baptistes allemands sont arrivés, ils ont créé des églises de langue allemande, ont voulu que leurs enfants épousent des Baptistes allemands, etc. – et il en était de même des Baptistes suédois, des Luthériens norvégiens, etc.). Les seconde, troisième et quatrième générations d’immigrants européens se sont de mieux en mieux intégrés dans la culture plus large du pays; je vous laisse juge de savoir si il en sera de même des Américains d’origine asiatique. Je connais plus d’une église asio-américaine qui compte des fidèles de troisième et quatrième générations, dans lesquelles les cultes se déroulent en anglais mais qui compte très peu d’Américains d’origine européenne ou d’Afro-américains. Sont-ils racistes? Très souvent, la première génération de tout groupe d’immigrants veut que leurs enfants épousent quelqu’un du même groupe d’immigrants. Mais qu’en est-il quand, à la quatrième génération, cet exclusivisme persiste ? Ou s’agit-il seulement du fait que des personnes qui viennent de la même culture et qui ont la même perspective préfèrent rester avec des personnes qui partagent le même héritage culturel, sans pour autant mépriser pour autant les personnes d’autres origines ? Et dans ce cas, nous devons nous demander dans quelles mesures cette même notion peut légitimement s’appliquer aux Noirs et aux Blancs? Il est extrêmement difficile d’éviter « les deux poids – deux mesures » dans ce cas. Et pourtant peut-être que les deux poids – deux mesures sont nécessaires ici car un seul groupe « d’immigrants » ont été réduits à l’esclavage. (Le travail féodal de certains travailleurs, européens et chinois, aussi brutal qu’il ait été dans certains cas, appartient à une autre catégorie que l’esclavage, et n’a jamais donné lieu à une abolition). Néanmoins ce sujet mérite bien une réflexion bien plus intense que ce qui a été fait ici.

(5) Il y a pourtant un aspect positif à s’adresser à un groupe en particulier en sa qualité de groupe. Je connais une église à Sydney, en Australie, qui a créé un atelier biblique à l’attention des immigrants grecs, un autre pour les immigrants chinois qui parlent le Mandarin, un pour les immigrants chinois qui parlent le Cantonnais, un en Coréen, etc. Ces groupes d’études bibliques finissent par atteindre la taille d’une congrégation. Les dirigeants de chaque groupe mais aussi de l'ensemble de ces groupes s’efforcent communément de favoriser le brassage de ces gens qui grandissent avec le Christ. La façon dont cette stratégie est menée dans chaque sous-culture diffère mais elle semble bien être ce que nous cherchons à accomplir. Les objectifs de l’évangélisme exigent de nous que nous nous faisions « tout à tous, afin d'en sauver de toute manière quelques-uns » (1 Corinthiens 9), ce qui présume que nous reconnaissions la différence; les objectifs de l’unité de l’église suppose que nous reconnaissions en pratique et non pas seulement en théorie que l’église est bien LA nouvelle humanité au sein de laquelle les barrières ont été renversées (Ephésiens 2). Nous devons être un avant-poste du paradis, où nous trouverons assemblés un jour, autour du trône, des hommes et des femmes de toutes langues et de toutes tribus, de tous les peuples et de toutes les nations. Que ce témoin apporte sa propre contribution à la vérité enseignée par le Maître lui-même, que les gens sachent que nous sommes ses disciples si nous nous aimons les uns les autres (Jean 13:34-35). Les démarches que nous pouvons engager pour contribuer à cela varient énormément selon les différentes régions de notre pays. Bien sûr, il ne s’agit pas de tout faire sauter et d’appeler cela de la foi. Mais il s’agit de faire les choses avec une véritable intention ou nous ne parviendrons à rien de plus que ce qui a déjà été fait par les différents mouvements de l’histoire et les pressions du pluralisme. Nous serons de simples suiveurs de culture. Et où est le témoin chrétien dans tout ça?

(6) Est-il nécessaire de préciser que la vieille théorie de « la malédiction de Ham » emporte toujours l’adhésion de gens ignorants dont l’interprétation des Ecritures laisse vraiment à désirer ? Vous y trouverez un excellent antidote dans un essai que j’ai inclus dans la série NSB T, J. Daniel Hays, From Every People and Nation: A Biblical Theology of Race ( « De tous les peuples et nations : une théologie biblique des Races » ), Downers Grove: IVP, 2003.

(7) Je pense que la preuve réelle que nous ne sommes pas racistes du tout n’est pas de se garder d’utiliser un langage injurieux, ni de pouvoir se vanter d’avoir quelques amis « qui le sont » (quelque soit l’adjectif auquel « le » se réfère) ni même de bien vivre le traditionnel « échange de pasteurs » (un pasteur noir dans une église blanche et vice-versa). Non, c’est quand des Américains d’origine européenne et des Afro-américains sont en désaccord ou se taquinent et n’ont pas besoin de faire attention à ce qu’ils disent par peur que cela soi ressenti comme du racisme par l’autre partie. C’est quand, après qu’un blanc a été attaqué par un noir, la victime considère automatiquement ce dernier comme un voyou, un méchant et non pas comme un voyou noir. C’est quand une personne noire malmené par un fonctionnaire blanc, ne met pas l’impolitesse institutionnelle sur le compte de la couleur de peau blanche et de la condescendance mais sur celui de l’impolitesse et de l’incivilité. C’est quand nous applaudissons le succès de quelqu’un de très sans même songer en notre for intérieur que ce n’est pas mal étant donné que la personne est noire, ou que c’était un succès prévisible étant donnée que la personne avait l’avantage d’être blanche.

Il nous reste un long chemin à parcourir. Le fait que nous n’attendions pas d’utopisme avant le retour de Jésus ne justifie pas le cynisme ou le manque d’effort. Même maintenant, alors que nous nous rassemblons dans la Sainte Jérusalem, autour du Trône de Dieu (Hébreux 12), et que nous reconnaissons que tout ce que nous recevons dans cette vie et dans celle d’après nous vient de la Grâce, alors nous devons en être reconnaissants. Nous admettons que les sombres pêchés présents dans nos cœurs ne viennent pas de la grâce et nous brûlons d'édifier nos frères et sœurs dans le Christ, sans considération de milieu social, d’éducation, de race ni d’ethnicité. Petit à petit, mais de manière significative, nous nous efforçons de réaliser en partie ce qui sera un triomphe éclatant dans un nouveau paradis et sur une nouvelle terre. La gloire des hommes et des femmes qui se sont rachetés, de toutes les langues, de toutes les tribus et de tous les peuples et pays, louant celui qui s'assied sur le trône et l'Agneau.


  1. TN : Les lois Jim Crow est le surnom donné à toute une série d’arrêtés et de règlements promulgués généralement dans les municipalités ou les états du sud des Etats-Unis d’Amérique entre 1876 et 1964. Ces lois distinguaient les citoyens selon leur appartenance « raciale » et tout en admettant leur égalité de droit elles imposèrent une ségrégation de jure dans tous les lieux et services publics.