« La traite du bélier »
De Livres et Prédications Bibliques.
Par R.C. Sproul
À Propos de Sanctification et croissance
Partie de la série : Right Now Counts Forever
Traduction par Sarah Karambiri
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Parmi toutes les formes de légalisme, la plus dangereuse est celle qui affirme que l’homme parvient à la justification à travers ses œuvres ou ses mérites personnels, et non pas par la foi ou la grâce.
La Réforme du 16ème siècle fut au centre d’une lutte acharnée visant à régler la question de la justification. Cette lutte visait à recentrer les regards sur le véritable Evangile sur lequel les contemporains de l’église médiévale avaient jeté un voile. Cependant, le préjudice causé à la doctrine de la justification qui est accessible par la foi uniquement n’a pas commencé au Moyen Age. Le débat a été entamé à l’époque du Nouveau Testament avec l’apparition de « l’hérésie des Galates. »
Les fauteurs de troubles en Galatie, qui avaient l’intention de saper l’autorité de l’Apôtre Paul, défendaient un évangile qui exigeait les œuvres de la loi, non seulement comme preuve, mais comme condition préalable à la justification. Ce néo-nomisme ou « nouveau légalisme » était en contradiction directe avec l’enseignement de Paul aux Romains : « Or, nous savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi, afin que toute bouche soit fermée, et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu. Car nul ne sera justifié devant lui par les œuvres de la loi, puisque c’est par la loi que vient la connaissance du péché. » (3 : 19-20)
Ces judaïsants de Galatie désiraient associer les œuvres à la foi comme fondement essentiel à la justification. En agissant de la sorte, ils ont altéré l’Evangile de la grâce qui nous est accordée gratuitement et par laquelle nous sommes justifiés par la foi uniquement. Cette déformation a incité Paul à rejeter avec la plus grande véhémence cette hérésie comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Après avoir affirmé qu’il n’existait aucun autre évangile que celui qu’il proclamait, et déclaré anathèmes ceux qui voulaient prêcher « un autre évangile » (Galates 1), Paul a réprimandé les Galates :
« O Galates dépourvus de sens! Qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui Jésus-Christ a été peint comme crucifié? Voici seulement ce que je veux apprendre de vous : est-ce par les œuvres de la loi que vous avez reçu l’Esprit, ou par la prédication de la foi?... Et que nul ne soit justifié devant Dieu par la loi, cela est évident, puisqu’il est dit : le juste vivra par la foi. » (Gal. 3 : 1-2, 11).
Au début de l’épître, Paul exprime sa stupéfaction par rapport à la façon dont les Galates se sont rapidement détournés du véritable Evangile et ont adopté un évangile « différent », qui n’avait rien en commun avec le véritable Evangile. Cependant, la voix séduisante du légalisme fut très puissante dès le début. Les théories de justification par les œuvres remplacèrent l’Evangile à chaque étape de l’histoire de l’Eglise. Parmi ces théories nous pouvons citer le pélagianisme au quatrième siècle, le socinianisme du 16ème siècle, ainsi que libéralisme et le finneyisme du 19ème siècle.
Toutefois, aucun de ces mouvements n’est aussi complexe et systématique dans son adoption de point de vue légaliste de la justification que l’Eglise catholique romaine. En associant les œuvres à la foi et le mérite à la grâce comme conditions préalables à la justification, Rome a ravivé les flammes de l’hérésie des Galates.
Bien que Rome, contrairement au pur pélagianisme, insiste sur le fait que la grâce est nécessaire pour la justification, elle nie le fait que la justification est accessible par la grâce seule. Quoi qu’elle enseigne que la foi est nécessaire comme point de départ, fondement, et source de la justification, Rome refuse d’admettre que nous sommes justifiés par la foi uniquement. Elle associe les œuvres à la foi comme condition préalable à la justification. Selon Rome, pour que Dieu nous déclare juste, nous devons être intrinsèquement justes.
Rome ajoute le mérite à la grâce de deux manières distinctes. D’une part, il y a ce que l’on appelle « mérite congru » (meritum de congruo) qui est un mérite qu’une personne acquiert en accomplissant des œuvres de satisfaction dans le cadre du sacrement de pénitence. Ces œuvres, accomplies à travers la grâce, rende la situation « congrue » ou « adéquate » pour que Dieu justifie la personne.
D’autre part, il y a les œuvres de surérogation. Ces œuvres sont au-dessus et surpasse l’appel du devoir. Ainsi, elles produisent un excédent de mérite. Rome soutient que lorsque les saints obtiennent plus de mérite qu’il ne leur en faut pour entrer au ciel, l’excédent est déposé dans le « Trésor du mérite ». Rome appelle cela les « propriétés spirituelles de la communauté des saints. »
De ce trésor, l’église peut accorder du mérite à ceux qui n’en ont pas suffisamment. Ce processus s’effectue à travers les « indulgences. » Le catéchisme enseigné par l’Eglise catholique définit l’indulgence comme suit : « Une rémission devant Dieu de la punition provisoire découlant des péchés dont les coupables sont déjà pardonnés, et que le chrétien fidèle qui est bien disposé obtient dans certaines conditions prescrites à travers l’action de l’église, qui en tant que ministre de la rédemption accorde et gère avec autorité le trésor des satisfactions de Christ et des satisfactions. »
Pendant la Reforme, une grande controverse s’est répandue autour de la question des indulgences. Les réformateurs affirmaient que la seule personne dont les œuvres avaient un véritable mérite devant Dieu était Christ. C’est à travers Ses œuvres et Son mérite seuls que nous pouvons être justifiés. La valeur du mérite de Christ ne peut être augmentée ou diminuée par les œuvres d’autres personnes. Cependant, dans le système romain, non seulement nos œuvres servent pour notre justification, mais si elles sont assez bonnes, elles peuvent aider ceux qui se trouvent au purgatoire et qui n’ont pas suffisamment de mérite pour aller au ciel.
Martin Luther a déclaré que le point de vue de Rome sur le mérite n’était rien d’autre qu’une invention inutile et des spéculations séduisantes sur des choses sans importance. Il a déclaré que toute opinion qui inclut nos œuvres dans notre justification était non seulement un blasphème, mais ridicule. Il a ajouté ceci : « Chercher à être justifié par la loi serait comme si un homme, déjà faible et malade, devait rechercher un mal plus important par lequel il pourrait guérir son mal, bien que cela pourrait bien évidemment, lui causer plus de tort, de la même manière qu’un homme souffrant d’épilepsie devait empirer sa situation par la peste. Le proverbe suivant illustre bien cette situation : «Une personne trait le bélier, pendant qu’une autre tient la passoire en dessous »
Le proverbe de Luther comporte une double folie. Essayer de traire un bélier est déjà une idée folle. Cependant, utiliser une passoire pour recueillir le lait serait davantage ridicule. De même, essayer d’être justifié par toute sorte de légalisme est aussi stupide que d’essayer de traire un bélier, mais avec des conséquences désastreuses.
La grande tragédie de nos jours est que non seulement le catholicisme romain et d’autres religions codifient les œuvres comme un fondement nécessaire à la justification. En termes pratiques, je crains que la grande majorité des protestants fondent également leurs espoirs sur leurs propres œuvres. Tant que nous nous efforcerons de trouver notre justification à travers les œuvres, cela signifie que nous n’avons pas encore compris l’Evangile.