Pensées Pastorales : La puissance de la prédication : Prendre plaisir (2 Corinthiens 12 : 1–10), Partie 3 sur 3

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English: Pastoral Pensées: Power in Preaching: Delight (2 Corinthians 12:1–10), Part 3 of 3

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Par Raymond C. Ortlund Jr À Propos de Prédication Et Enseignement
Partie de la série : Themelios

Traduction par Eliane Schnitzler

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Pensées Pastorales : La puissance de la prédication : Prendre plaisir (2 Corinthiens 12 : 1–10), Partie 3/3[1]
1 Il faut se glorifier... Cela n'est pas bon. J'en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur. 2Je connais un homme en Christ qui, voici quatorze ans — était-ce dans son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais, Dieu le sait — fut ravi jusqu'au troisième ciel. 3Et je sais que cet homme — était-ce dans son corps ou sans son corps ? je ne sais, Dieu le sait — 4fut enlevé dans le paradis et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer. 5Je me glorifierai d'un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes faiblesses. 6Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m'en abstiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit ou entend de moi, 7à cause de l'excellence de ces révélations. Et pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter, pour que je ne sois pas enflé d'orgueil. 8Trois fois j'ai supplié le Seigneur de l'éloigner de moi, 9et il m'a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. 10C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les privations, dans les persécutions, dans les angoisses, pour Christ ; en effet quand je suis faible, c'est alors que je suis fort.

Nous désirons comprendre comment la puissance de Dieu entre dans notre prédication. Il est de plus en plus évident que c’est l’humilité qui relie ces études. Dans l’acte de prêcher, l’humilité décide d’étouffer le Moi pour que le Christ crucifié soit le seul sujet d’admiration (Partie 1). L’humilité dans les relations d’un prédicateur désire les personnes, non pour ce qu’elles peuvent lui donner mais pour ce qu’il peut leur offrir (Partie 2). Et maintenant, nous voyons que dans la vie personnelle d’un prédicateur, l’humilité prend plaisir dans les infirmités lourdes à porter, pour que la puissance de Christ puisse reposer sur lui. Dans une lettre à un ami, Charles Simeon écrivait : « dans une de vos précédentes lettres, quelque chose m’a frappé – les trois leçons qu’un pasteur doit apprendre : 1. L’humilité. 2. L’humilité. 3. L’humilité. Combien de temps nous faudra-t-il pour apprendre la vraie nature du Christianisme ! » [2]

Pourquoi la puissance est-elle donc si importante dans la prédication ? A. W. Tozer nous en indique une raison :

Puisque le mot « puissance » est utilisé fréquemment et de façon abusive, permettez-moi de vous expliquer ce que j’entends par ce mot. Tout d’abord, je pense à une force spirituelle qui, à elle seule, constitue le facteur déterminant qui produira à nouveau des chrétiens remarquables. Le genre de chrétiens faibles et inoffensifs qui a grandi dans notre génération n’est qu’un pauvre exemple de ce que la grâce de Dieu peut faire lorsqu’elle opère avec puissance dans le cœur humain. L’acte impassible d’ « accepter le Seigneur » est pratiqué parmi nous. Il ne ressemble guère aux conversions radicales du passé. Il nous faut la puissance transformatrice qui remplit l’âme d’une douce exaltation, qui fera d’un ancien persécuteur « un fou » de l’amour de Christ. Aujourd’hui, nous avons des chrétiens théologiques qui peuvent (et doivent) – se révéler comme chrétiens par un recours à l’original en Grec. Il nous faut des chrétiens dont les vies proclament leur sainteté, et qui n’ont pas besoin d’un certificat d’authenticité. [3]

Je suis satisfait » ou « je prends plaisir dans » ?

Notre étude commence par une question de traduction. Dans la Bible ESV (English Standard version), 2 Corinthiens 12 : 10 est traduit : « Pour Christ, donc, je suis satisfait des infirmités… ». Mais dans la Bible NIV (New International Version) nous lisons : « pour Christ, je prends plaisir dans les infirmités ». Paul proclame-t-il le contentement ou le plaisir ? Εὐδοκέω peut signifier « Prendre plaisir dans ». C’est le mot qui est utilisé dans Matthieu 17 : 5 lorsque le Père dit lors de la Transfiguration : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c'est en lui que j'ai pris plaisir ». (NBS, Nouvelle Bible Segond). Le Père n’était pas seulement satisfait, Il avait pris plaisir. Pour deux raisons, je suis persuadé que cette traduction, plus convaincante de Εὐδοκέω, est requise dans notre passage. Premièrement, 2 Corinthiens 12 : 10 réitère la position forte de 2 Corinthiens 12 : 9 : « Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses ». L’enthousiasme de Paul va au-delà du contentement. Deuxièmement, l’expression « pour Christ » au début de 12 : 10 requiert l’expression « je prends plaisir » plutôt que « je suis satisfait ». Pourquoi ? En raison de la nature de Christ. C’est ainsi que J. I. Packer commence son livre « Connaître Dieu » :

Par une belle journée ensoleillée, je me promenais en compagnie d’un étudiant qui avait irrémédiablement compromis ses chances de réussite en entrant en conflit avec les dignitaires de son église au sujet de l’Evangile de la grâce : « mais tout cela n’a pas d’importance, conclut-il, car moi je connais Dieu et pas eux »… Peu d’entre nous pourraient dire tout simplement qu’au regard qu’ils ont de la connaissance de Dieu, les déceptions passées et les déchirements présents – déchirements aux yeux du monde – n’ont pas d’importance. Il est en effet indéniable que, pour la plupart d’entre nous, ces choses ont beaucoup d’importance. Ce sont les « croix » (comme nous disons) que nous avons à porter. Il suffit que nos pensées s’y arrêtent – et elles s’y arrêtent souvent – pour que nous nous surprenions à tomber dans l’amertume, l’apathie et la tristesse. Nous offrons au monde un parfait stoïcisme, à mille lieux de « la joie merveilleuse et glorieuse » évoquée par Pierre (1 Pierre 1 : 8). Pour l’apôtre d’ailleurs, cette allégresse que manifestaient ses lecteurs allait de soi ; c’était la chose normale. Mais, lorsqu’ils parlent de nous, nos amis emploient un tout autre vocabulaire : « Les pauvres, comme ils ont souffert ! ». Et c’est bien notre avis ! Pourtant ce pseudo-héroïsme n’a pas du tout sa place dans la pensée de ceux qui connaissent réellement Dieu. Eux ne ruminent pas sur ce qui aurait pu être ; ils ne pensent jamais à ce qu’ils ont perdu, mais seulement à ce qu’ils ont gagné… Quand Paul dit [dans Philippiens 3] qu’il considère les choses qu’il a perdues comme de la « boue », il ne veut pas seulement dire qu’il ne leur accorde plus aucune valeur, mais il veut dire aussi qu’il ne vit plus en pensant constamment à ces choses. Quel être normalement constitué passerait-il d’ailleurs son temps à rêver avec nostalgie de boue et d’ordure ?... »[4]

Donc, pour une raison contextuelle dans 12 : 9 et pour une raison spirituelle dans les mots « pour Christ », je rectifie la traduction « je suis satisfait » de la Bible ESV (English Standard version), par « je prends plaisir » dans 12 : 10. C’est l’expression-clé de ce passage.

Thèse

A partir de sa prédication, Paul nous dévoile sa vie personnelle jusque dans ses pensées et ses sentiments intimes. Et c’est de sa vie que découlait sa prédication. Et voici ma thèse à partir de ce passage : notre plus grande avancée dans la puissance spirituelle se produira au moyen des pires expériences de nos vies.

Le contexte de 2 Corinthiens 12

Dans les chapitres 10-13 de 2 Corinthiens, Paul défend son ministère. Il se sent gêné d’agir ainsi, mais il se sent aussi piégé. Voici le contexte. A Corinthe, le ministère de Paul est la cible d’attaques d’hommes qu’il caricature comme des « super-apôtres ». Voir 2 Corinthiens 11 : 15 (Nouvelle Bible Segond). Ces faux docteurs interviennent dans l’église de Corinthe, se glorifient de leurs expériences spirituelles spectaculaires et placent Paul dans une position inférieure. Les Corinthiens immatures sont éblouis. Leur attachement grandissant aux super-apôtres les met en danger de s’écarter de Jésus lui-même. (2 Corinthiens 11 : 3-4). Paul doit les secourir, mais il était devenu, sur un plan personnel, le déclencheur de la polémique. Ainsi, il ne peut aider les Corinthiens à se recentrer sur Christ sans faire aussi référence à lui-même dans son intervention. Il est dans une position délicate. D’un côté, s’il affirme ses qualifications spirituelles, ses détracteurs le viseront et diront : « Voyez ! Que disions-nous ? Il est l’arrogant ». De l’autre côté, s’il minimise l’importance de ses qualifications, alors ils le viseront et diront : « Voyez ! Que disions-nous ? C’est un acolyte ». Dans tous les cas, l’honnêteté spirituelle des Corinthiens devant Christ dépend à ce moment de leur stabilité relationnelle avec Paul. Il n’a pas d’autre choix que de prendre leur défense. Mais la façon dont il se glorifie est surprenante. Il se glorifie, bien sûr, de choses dont on ne peut se glorifier. Il marche sur les plates-bandes des super-apôtres mais il joue le jeu avec des règles différentes. [5]

Nous arrivons ainsi au chapitre 12 où nous voyons comment Paul se glorifie. Il se réapproprie le droit de se glorifier auprès des Corinthiens en révélant le genre d’expérience spirituelle extraordinaire dont ses opposants se targuaient. Mais il prend sa revanche. Dieu lui fit une visite guidée du ciel. Mais il n’en fit mention à personne durant quatorze ans. Il ne voulait jamais paraître supérieur aux autres. Mais lorsqu’il est contraint à divulguer son privilège sacré, il se sent tellement maladroit qu’il l’exprime à la troisième personne du singulier : « Je connais un homme en Christ qui… » (12 : 2). Selon 12 : 6, Paul préfère être connu uniquement par ce que les gens peuvent voir en lui et entendre eux-mêmes de lui. Il préfère être vu juste comme un autre chrétien. Pourquoi ? Parce qu’il sait comment descend la puissance divine – non par des expériences privilégiées mais par un quotidien banal et même empreint de souffrances. Des expériences extravagantes ne constituent pas l’essence de la spiritualité de Paul ; c’est la vie quotidienne et même une vie difficile. Paul ne minimise pas son expérience du troisième ciel. Dieu la lui accorda. Mais ce moment élevé et saint ne se situe pas au moment où Paul fait une avancée dans une nouvelle forme de puissance dans son ministère. Il se situe au cours de l’expérience la plus pénible de sa vie – lorsqu’il reçut son écharde dans la chair et lorsqu’il apprit ensuite à vivre avec elle.

Quelque fut l’écharde, elle était horrible. Laissez la métaphore de Paul vous saisir. Vous revenez d’une expérience culminante et vous redescendez dans le « monde réel ». Votre cœur est submergé de joies célestes qui dépassent tous vos efforts pour les décrire. Lorsque soudain, vous trébuchez, vous tombez et instinctivement vous vous rattrapez avec votre main. Une épine s’y plante. En un instant, votre joie est détournée par cette vive douleur. Vous vous arrêtez, vous examinez votre main pour voir comment vous pourriez retirer l’épine. Mais elle s’y est plantée trop profondément. En fait, cette épine ne sort jamais de votre main, elle ne cesse de causer une douleur lancinante, et ne le cessera jamais jusqu’à la fin de votre vie. Chaque jour, quoique vous fassiez ou essayiez de faire, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et quoique vous pensiez ou essayiez de penser, à chaque instant, l’épine est , toujours et cruellement . Cette horrible réalité était le «nouveau quotidien de Paul ».

Un messager de Satan et une Grâce de Dieu.

Pourquoi cela arriva-t-il ? Paul l’explique sur deux plans simultanément. Sur un plan, « un messager de Satan » vint du département des sales coups de l’enfer. Le fait que Paul l’expérimenta comme étant un messager de Satan pourrait insinuer que son inquiétude physique était accompagnée de pensées outrageantes telles que « Tu méritais cela, Paul. Dieu t’a finalement rattrapé. Ta vie est terminée, toi le bon à rien ». Satan avait l’intention de tourmenter Paul. Ce verbe dans 12 : 7 (un messager de Satan pour me « souffleter » en français, « harceler » en anglais) est au présent. Ce qui implique un martèlement régulier. Mais, cette attaque de Satan était en même temps une grâce de Dieu, à un niveau plus profond. Le Seigneur avait l’intention de garder Paul les pieds sur terre après sa vision des cieux. En fait, le but bienveillant de Dieu enveloppe le but monstrueux de Satan. La phrase « pour que je ne sois pas enflé d’orgueil » le met en évidence au début et à la fin de 12 : 7. L’origine divine de cette écharde, avec son privilège caché, est également comprise dans le verbe passif « il m’a été donné » (Version Darby). Ici, Dieu est l’agent secret. C’est pour cette raison que Paul s’adresse au Seigneur pour la délivrance dans 12 : 8 : « Seigneur, je pourrais faire tant de choses pour toi sans cela ».

La Puissance de la Faiblesse

De manière compréhensible, Paul voit deux options pour son avenir : (1) continuer à vivre avec son écharde et être moins utile pour Christ ou (2) se débarrasser de l’écharde et être plus utile pour Christ. Il ne voit pas encore une troisième option : garder l’écharde, rajouter la grâce toute suffisante de Dieu et devenir plus capable que jamais. Sur son chemin, Paul s’approche du Seigneur trois fois pour défendre sa cause parce que son écharde n’est pas seulement inconvenante ; elle est insupportable. Fréquemment dans les Evangiles, les gens venaient à Jésus pour la guérison, et il la leur accordait. Paul plaide avec le même Seigneur pour la guérison, pas une fois, pas deux fois mais trois fois. Que se passe-t-il ? A chaque fois, le Seigneur ressuscité lui donne la même réponse : « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (12 : 9). Ce n’est pas la réponse que Paul veut entendre, mais elle entrouvre son cœur pour plus de puissance qui le dépasse.

Ce que le Seigneur nous enseigne à nous tous, c’est que dans cette vie, la faiblesse est l’ (article défini) expérience humaine essentielle. La faiblesse est le programme à partir duquel nous vivons toutes nos autres expériences. Dans cette vie, la faiblesse est nécessaire pour grandir. Bien sûr, c’est dans la faiblesse que nous recevons la puissance. Karl Plank écrit :

L’étude de quasiment tous les aspects de la théologie de Paul doit finir par considérer ce langage [de la souffrance], non en raison de son intensité mais pour son caractère fondamental. Le langage de la souffrance est intimement enchevêtré dans le cœur de son évangile et dans sa façon de voir le monde. Ce langage de la souffrance ne prévoit pas seulement un autre sujet théologique dans le compendium (condensé) paulinien. Il expose le fondement sur lequel l’apôtre fait de la théologie. [6]

Il expose aussi le fondement sur lequel il vit, exerce son ministère et prêche - avec suffisamment de puissance pour toute faiblesse.

Les dictionnaires nous informent que le mot traduit par « suffisant » signifie sans surprise, « être suffisant pour satisfaire, pour être compatible avec ». Le Seigneur veut dire à Paul :

Aussi longtemps que tu vis, je n’enlèverai jamais cette écharde de ta main. Mais ma grâce – mon amitié, ma proximité, mes promesses, ma présence, ma vérité, mon sourire – tout ce que je suis sera compatible avec tout ce que tu souffres. Ta douleur et la faiblesse auxquelles tu es réduit, sera le moyen même par lequel je manifesterai ma puissance. Si ton expérience de vie était tranquille, si tu étais toujours à l’aise, si tu n’étais pas tenté à désespérer de toi-même, tu te ferais confiance et tu t’élèverais toi-même. Par là, tu t’affaiblirais toi-même, et ton expérience merveilleuse des cieux deviendrait ta ruine. Paul, ma puissance deviendra tienne d’une manière plus parfaite dans l’expérience humiliante de la faiblesse.

Ainsi, Paul n’a pas considéré la faiblesse comme un signe contre lui mais comme le moyen de puissance et comme les merveilleuses surprises que seul Dieu peut orchestrer. C’est sa manière de faire à l’égard de nous tous. Les super-apôtres ne connaissaient rien de cela. La seule chose qu’ils avaient saisie était d’essayer d’impressionner, ce qu’ils faisaient. Mais cette sorte de fausse puissance menaçait l’intégrité et le futur même de l’église de Corinthe. Le christianisme authentique ne produit pas une race de surhommes qui s’élèvent au-dessus du nécessaire. L’expression la plus parfaite d’un christianisme authentique aujourd’hui, est la puissance divine reçue avec les mains vides de la faiblesse humaine, de la pauvreté et de la douleur. Sans écharde, allons-nous même ouvrir notre main ? Mais avec notre écharde et sa grâce, il se peut que nous nous sentions un peu coupables d’avoir un tel avantage dans le ministère !

Après sa troisième tentative auprès du Seigneur, Paul a finalement accepté cette écharde. En fait, il a fait plus que de l’accepter. Il l’appréciait. Il est heureux avec les nouveaux arrangements : « Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi » (12.9). Il ne dissimule pas ses faiblesses parce qu’il n’est pas menacé par elles. Paul comprend que sa vie prend une tournure différente de celle qu’il avait prévue. L’histoire actuelle de sa vie est une histoire ancienne et une histoire glorieuse.

Le verbe traduit par « reposer sur » apparaît nulle part ailleurs dans le Grec Biblique. Mais Paul semble faire référence à la gloire de la Shekinah qui demeurait au-dessus du peuple de Dieu durant leurs errances dans le désert. La Bible dit que Moïse ne pouvait entrer dans la tente d’assignation parce que la nuée demeurait sur elle (Exode 40 : 35). Mais dans la nouvelle alliance, le chrétien affligé devient un endroit où la gloire demeure. Evidemment, Paul n’est pas masochiste. Il n’aime pas la douleur. Mais la puissance, la présence et la gloire de Christ valent plus qu’elle. Vraiment, Paul ne se plaint pas. Il se considère comme un privilégié. Comment le monde peut-il vaincre un homme qui trouve de la puissance dans la faiblesse, du progrès dans des déboires et des opportunités dans l’emprisonnement ?

Si Dieu a un objectif de grâce pour vous et votre ministère – et il en a un, au-delà de tout ce que vous pouvez demander ou penser – vous n’avez pas besoin de chercher votre écharde. Elle vous trouvera. Quelque chose entrera dans votre vie. Quelque chose d’imprévisible, voire d’impensable, pour laquelle vous diriez immédiatement : « Non, cela ne pourrait jamais m’arriver, pas même dans le pire de mes cauchemars » - et ensuite cela se produirait. C’est inévitable. C'est alors que Dieu va vous prouver combien sa puissance peut reposer sur vous de façon merveilleuse et même étonnante. C’est ce que le monde doit voir en nous. C’est ce que l’Eglise doit voir en nous – non la faiblesse de la puissance mais la puissance de la faiblesse. Quand les personnes sont en quête de spiritualité aujourd’hui, savent-elles vraiment où Dieu l’a placée ? Combien de personnes s’attendent-elles à la toute suffisance de Christ à partir d’une relation personnelle et profonde avec lui ? Combien en connaissez-vous ? C’est là que nous entrons en jeu. Nous ne sommes pas de simples prédicateurs de vérités évangéliques. Nous sommes les preuves vivantes de la puissance de l’Evangile lorsque la vie est insupportable. Dieu le prouvera par vous. Par votre moyen, Il montrera à de nombreuses personnes que sa puissance est suffisante pour quiconque sera confronté à n’importe quelle situation – non avec une résignation amère, non avec de l’apitoiement sur soi, mais avec un plaisir respectueux. Les gens verront cela en vous, et ils mettront leur espérance en Dieu.

Enfin, dans 12 : 10, Paul élargit la pertinence de la grâce de Christ au-delà de sa propre expérience de l’écharde et à toutes nos confrontations : « C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les privations, dans les persécutions, dans les angoisses, pour Christ ; en effet quand je suis faible, c'est alors que je suis fort ». Vous pouvez voir comment Paul fait un inventaire des problèmes que nous expérimentons tous avec des points de suspension sans fin. La liste pourrait se rallonger sans fin, mais nous nous arrêterons là. A quoi Paul se réfère-t-il ? « La faiblesse » inclut, bien sûr, cette écharde dans la chair, mais le paradoxe de la puissance dans la faiblesse s’applique aussi aux « outrages » - maltraitance arrogante de la part d’autres, affronts et diffamations. Le paradoxe s’applique aux « privations », besoins non couverts et fardeaux non ôtés. Le paradoxe s’applique aux « persécutions », pressions intenses pour céder et faire des compromis. Le paradoxe s’applique aux « angoisses », restrictions et emprisonnements. Que la liste s’allonge de plus en plus, ajoutez-y tout ce à quoi nous serons confrontés, et le Seigneur ressuscité nous dira à nous aussi :

Ma grâce te suffit. Vous vous sentez incompétent, même abattu, mais ne vous inquiétez pas à ce sujet. Si vous êtes vaincu, je suis victorieux pour vous. Si vous êtes confus, je suis lucide pour vous. Si vous êtes inquiet, je suis invulnérable pour vous. Ma gloire vous couvrira et ma puissance se répandra sur vous. Tout ce que je vous demande, c’est que vous me donniez votre faiblesse, et je promets de vous donner ma puissance.

Dans tout le pays aujourd’hui, il y a des prédicateurs – des hommes fidèles, intelligents, sincères, formés, drôles, pieux, consciencieux. Vous en connaissez certains personnellement, d’autres par leurs noms. Quelques fois ces hommes, apparemment brillants, sont en fait entrain de penser : « Comment puis-je continuer ? Je n’ai rien de plus à dire, rien de plus à donner. Maintenant, tout ce que j’ai à offrir au Seigneur est mon épuisement, ma défaite, mon découragement, ma tristesse, mon humiliation et [etc.] ». Le Seigneur dit à ces hommes : « Je peux œuvrer avec cela. Quand tu es faible, chaque fois que tu es faible, alors et seulement alors tu es fort ». Charles Hodge commente : « Lorsque nous sommes vraiment faibles en nous-mêmes, et conscients de cette faiblesse, nous sommes dans l’état approprié à la manifestation de la puissance de Dieu. Quand nous sommes vidés de nous-mêmes, nous sommes remplis par Dieu ». [7] C'est alors que nous apprenons à être, sur le plan émotionnel, conformes à Paul qui dit : « Je prends plaisir en ce que Christ fait pour moi ».

Conclusion

Comment en arrivons-nous là ? Comment l’expérimentons-nous ? La clé se trouve au début de la phrase de 12 : 10 : « pour Christ » (NdT : la clé se trouve dans la version anglaise au début de la phrase, dans la traduction française, à la fin de la phrase). Que ces mots sonnent la mort de notre égocentrisme et la naissance de quelque chose de nouveau, de profond, d’heureux et de résilient. Cela est possible quand ce qui m’arrive n’est plus la préoccupation principale de ma vie, quel que soit l’impact sur la chair. Cela est possible lorsque mes motivations pour le ministère passent de « pour moi » à « pour Christ ». Sauver la face est secondaire. Présenter Christ est primordial. Sauver ma précieuse peau est secondaire. Vivre dangereusement pour Christ est primordial. « Ils suivent l'Agneau partout où il va » (Apocalypse 14 : 4). Pas de conditions préalables. Non. Ne rien garder pour soi. Tout pour Christ ! C’est cela l’humilité et elle libère nos esprits. Je possède une vidéo concernant les pilotes de la patrouille acrobatique de la Marine américaine. Ils sont tous pilotes de chasse. Quand ils passent en revue un exercice et que leur chef d’équipe les guide en vue de progresser, ils répondent souvent : « Juste heureux d’être ici, chef ». [8] C’est juste un privilège d’être dans cette équipe. Il en est ainsi de nous comme serviteurs de Jésus-Christ : « Juste heureux d’être ici, chef ». Il arrive un moment où nous cessons de demander au Seigneur d’ôter le problème, et nous nous installons dans une joie plus profonde ancrée dans sa souveraine puissance. Il vient un moment où nous voyons la mort de nos rêves et où nous pensons : « maintenant j’ai le privilège de voir ce que Christ peut faire seul». C’est possible lorsque Dieu nous donne le don de la faiblesse et que nous sommes simplement heureux d’être engagé en lui de quelque manière que se soit. Votre vraie vie est l’opportunité donnée par Dieu, celle de voir les miracles qu’il peut accomplir par un faible prédicateur.

Dans son livre Humilité, Andrew Murray applique, avec une sagesse respectueuse, ce passage à nos vies :

Considérons nos vies à la lumière de l’expérience [de Paul]. Voyons si nous nous glorifions avec joie dans nos faiblesses ; si comme Paul, nous prenons plaisir en étant exposé aux blessures, aux besoins et aux détresses. Oui, interrogeons-nous. Avons-nous appris à considérer un reproche, juste ou injuste d’un ami ou d’un ennemi, une blessure ou un problème ou difficulté dans laquelle d’autres nous ont entraîné, par-dessus tout, comme une opportunité de prouver combien Jésus est tout pour nous ? Avons-nous appris que notre propre plaisir ou honneur n’est rien, et que notre propre humiliation est la vraie vérité dans laquelle nous prenons plaisir ? Il est bien sûr béni le profond bonheur céleste, celui d’être à ce point libéré de soi. Peu importe ce qui est dit à notre sujet ou peu importe ce qu’on nous fait, pourvu que cette chose soit engloutie et happée dans la pensée que Jésus est tout. [9]
  1. Les trois articles de cette série sont des manuscrits édités à partir des Conférences E.Y. Mullins de 2008, présentées au Séminaire Théologique Southern Baptiste le 30 septembre et 1-2 octobre 2008 (disponibles sur http://www.sbts.edu/resources/Audio_Resources/Mullins_Lectures.aspx). Les parties 1 et 2 (« La puissance dans la prédication : Décider [1 Corinthiens 2:1–5]) » et « La puissance de la prédication : Désirer [1 Corinthiens 1 : 2–5]) ont été publiées dans Themelios 34 : 1 et 34 : 2 (2009).
  2. H. C. G. Moule, Charles Simeon (1892; reprint, London: IVP, 1956), 65.
  3. A. W. Tozer, « La puissance en Action » dans Heartcry : Un journal concernant le Réveil et le Réveil Spirituel (été 1997), 8-9
  4. J. I. Packer, « Connaître Dieu » (Traduction française de Knowing God), Grâce et vérité, Réimpression 2006, 22 -23.
  5. Voir D. A. Carson, « Du triomphalisme à la maturité : un exposé de 2 Corinthiens 10 – 13 » (Grand Rapids, 1984 ; réimprimé sous le titre : « Un modèle de maturité chrétienne : un exposé de 2 Corinthiens 10 – 13 », 2007), 1 – 29, pour une introduction au contexte.
  6. Karl A. Plank, Paul et l’Ironie de l’Affliction (Atlanta : Scholars, 1987), 4.
  7. Charles Hodge, « Un exposé sur la Seconde Epître aux Corinthiens » (réimpression, Grand Rapids : Eerdmans, 1973), 289.
  8. Blue Angels : « Autour du monde à la vitesse du son » (A&E Networks, AAE-10037, 1994).
  9. Andrew Murray, « Humilité : La Beauté de la Sainteté » (Londres : Nisbet, 1986), 83.