Pensées Pastorales : La puissance de la prédication : Décider (1 Corinthiens 2 : 1-5), Partie 1 sur 3

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English: Pastoral Pensées: Power in Preaching: Decide (1 Corinthians 2:1–5), Part 1 of 3

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Par Raymond C. Ortlund Jr À Propos de Prédication Et Enseignement
Partie de la série : Themelios

Traduction par Eliane Schnitzler

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Sommaire

Pensées Pastorales : La puissance de la prédication : Décider (1 Corinthiens 2 : 1-5), Partie : 1/3 [1]

Pourquoi abordons-nous le thème de «la puissance de la prédication» ? En raison de la nature même du christianisme. Le christianisme est «une lumière divine et surnaturelle, immédiatement communiquée à l'âme par l'Esprit de Dieu ». [2] C’est le Dieu vivant qui descend par le moyen de l'Evangile de Jésus-Christ pour nous transformer par la puissance du Saint-Esprit. Le véritable christianisme est miraculeux et ce de façon universelle. La Bible dit :

« Qui est comme toi parmi les dieux, O ETERNEL ? Qui est comme toi …Opérant des miracles ? » (Exode 15 : 11) [3]
« Que ton œuvre apparaisse à tes serviteurs, et ta splendeur sur leurs fils ! » (Ps 90 :16)
« Jamais on n'a appris ni entendu dire, et jamais l'œil n'a vu qu'un autre dieu que toi agisse (ainsi) pour celui qui s'attendait à lui. Tu allais à la rencontre de celui qui pratiquait la justice avec joie » (Esaïe 64 : 3-4a).
« Et il arrivera par la suite que je répandrai de mon Esprit sur toute chair » (Joël 2 : 28).
« Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint-Esprit » (Jean 20 : 22).
« Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un souffle violent qui remplit toute la maison où ils étaient assis… Ils furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer » (Actes 2 : 2, 4).
«…la bonne nouvelle ; elle est en effet puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit….» (Rom 1 : 16) (La Nouvelle Bible Segond).
«Car le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance » (1 Cor 4 : 20).
« Puissiez-vous être puissamment fortifiés par la puissance, selon sa puissance glorieuse » (Col 1 : 11).

Retirez la puissance miraculeuse du christianisme, et que vous reste-t-il ? Des équipes de professionnels religieux qui gèrent des programmes de prestations destinées à la communauté. Mais lisons-nous cela dans le livre des Actes ? Le christianisme biblique dans le monde d'aujourd'hui est un miracle permanent de la puissance miséricordieuse de Dieu. Et si c'est le cas, et c'est le cas, alors la prédication chrétienne peut et doit être délivrée dans la puissance divine.

Lorsque Francis Schaeffer, comme chrétien, était aux prises avec la désillusion, il demanda un jour à son épouse :

« Edith, je me demande ce qu’il adviendrait à la majorité des églises et des œuvres chrétiennes si nous nous réveillions demain, et que tout ce qui relève de la réalité et de l'œuvre du Saint-Esprit et que tout ce qui concerne la prière étaient retirés de la Bible. Je ne veux pas dire si on l’avait simplement ignoré, mais en fait si on l’avait coupé pour le faire disparaître. Je me demande quelle serait la différence ? ». Nous avons conclu qu’il n’y aurait pas beaucoup de différence dans de nombreuses réunions de conseils, de comités, de délibérations et d’autres activités. » [4]

Et dans de nombreux sermons.

N'est-il pas temps d'avouer notre besoin de la puissance divine lors de notre prédication ? Aussi longtemps que le livre des Actes subsiste sous sa forme écrite, avec la totalité du Nouveau Testament, dont nous confessons qu’il fait autorité pour nous, pouvons-nous nous réjouir de voir la Parole de Dieu et la direction de Dieu tronquées ? Remercions le Seigneur pour toutes les bénédictions qu'Il accorde. Nous aurions tort de ne pas le remercier, mais nous aspirons à un réveil. Nous désirons ardemment être remplis de l'Esprit, conduits par l'Esprit, aidés par l'Esprit, sanctifiés par l'Esprit, enseignés par l'Esprit. Nous aspirons marcher par l'Esprit, porter du fruit par l'Esprit, prier dans l'Esprit, et prêcher dans la puissance du Saint-Esprit. Nous nous humilions devant Dieu et lui demandons qu’Il nous visite de façon surnaturelle à tous les plans, y compris celui de notre prédication, pour sa gloire dans notre génération. [5]

C’est pourquoi, nous avons suffisamment de bonnes raisons pour consacrer ces études à ce que Dieu lui-même affirme de l'Évangile prêché avec une puissance qui nous surpasse. Qu’en serait-il si nous passions nos vies à prêcher dans la puissance de la chair, parce que nous n'avons jamais envisagé sérieusement autre chose ? Il est maintenant temps de réfléchir et de prier pour que notre prédication soit la preuve vivante que Dieu est avec son peuple dans cette génération, pour Le glorifier.

1. Thèse

1 Corinthiens 2 : 1-5 nous révèle la puissance de Dieu dans l'acte même de prêcher. Voici le bien fondé de mon argumentation : seuls des prédicateurs crucifiés sont capables de prêcher un Sauveur crucifié avec la puissance divine. Ce passage ne concerne pas principalement le contenu de l'Evangile, mais essentiellement la communication de l'Evangile. Ici se trouve incrustée dans la pensée de Paul, l’hypothèse que le contenu de l'Evangile et la communication de l’Evangile sont inséparables. Et Paul prit une décision au sujet de sa communication. Il refusa de prêcher un Sauveur crucifié de façon impassible. Il aurait pu le faire. C’était une personnalité extraordinaire. Mais les prédicateurs qui ne sont pas crucifiés réussissent par le moyen de la puissance humaine. Ils construisent des églises dont le futur est fondé sur le sable car elles sont fondées sur la faiblesse de la puissance humaine et sur la folie du génie humain. Mais les églises fortes, solides comme le roc qui sont capables de résister à tout, sont un miracle du Saint-Esprit. Celui-ci qualifie uniquement les prédicateurs crucifiés. Avez-vous finalement décidé et êtes-vous convaincu ?

2. Un aperçu de « La puissance de la prédication » en trois parties

Le mot clé de la 1ère partie est « décider ». Vous le voyez dans 1 Corinthiens 2 : 2 : « Car j'avais décidé de ne rien savoir d'autre, durant mon séjour parmi vous, que Jésus-Christ et, plus précisément, Jésus-Christ crucifié ». (La Bible en français courant)

Le mot clé de la 2ème partie est « désirer ». 1 Thessaloniciens chapitres 1 et 2 nous montrent la puissance de Dieu dans les rapports du prédicateur avec autrui. Le Saint-Esprit utilise un homme avec une puissance transformatrice lorsque les personnes verront que cet homme n’exige rien d’eux mais a des aspirations pour eux.

Le mot clé de la 3ème partie est « prendre plaisir ». 2 Corinthiens 12 : 1-10 nous montre la puissance de Dieu dans la vie personnelle du prédicateur. Le Saint-Esprit fortifie un prédicateur qui se réjouit de ses faiblesses pour l'amour de Christ.

Mon intérêt s’explique par tout ce que j'ai entendu de J.I. Packer lorsque j'étais étudiant en théologie il y a 35 ans : « Ne négligez pas la dimension du réveil dans votre ministère ».

3. 1 Corinthiens 1 : 17-31

1 Corinthiens 1 : 17

Nous arrivons maintenant à 1 Cor 2 : 1-5 et à la décision que chaque prédicateur doit prendre. Paul commence à nous éclairer lorsqu’il dit dans 1 Cor 1 : 17 : « Car Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l'Évangile ». C'est une déclaration puissante. Les sacrements ne sont pas essentiels. Christ nous a envoyés pour prêcher. Mais comment devrions-nous prêcher ? Comment devrions-nous communiquer l'Evangile ? Il est possible de prêcher l'Évangile de façon à le vider de sa puissance : « Car Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l'Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine ». («Ainsi, la mort du Christ sur la croix ne perd pas son pouvoir » La Bible Parole de vie). Si nous prêchons l'Evangile dans la sagesse du langage, ou plus littéralement dans « la sagesse de la parole », c'est pire que perdre une opportunité. Quelque chose tourne de travers. La croix du Christ perd son pouvoir, est rendue vaine.

Nous sommes capables de rendre la croix vaine même lorsque nous prêchons la croix. Il est possible d'utiliser des mots bibliques comme « expiation » et « sacrifice », mais ils ont été vidés de leur sens. Le bilan : des églises vides. Pour atteindre ce résultat, nous ne devons pas abandonner le message. Tout ce que nous avons à faire est de prêcher le message biblique avec ce que Paul appelle « la sagesse de la parole ». Soit la croix disciplinera notre communication, soit ce sera notre communication qui videra la croix de sa puissance. Donc, si Christ nous a envoyés prêcher, et si sa puissance n’agit que dans une direction donnée, quelle est cette direction ? Paul l’explique dans 1 Corinthiens 2 : 1-5.

Vous connaissez le contexte. L'église de Corinthe était elle-même en train de se déchirer par des luttes alimentées par des rivalités pour ses prédicateurs préférés - Paul, Apollos, Céphas. Certains se réclamèrent de Christ seul, mais pas en raison de leur grande spiritualité. L'implication était la suivante : « Je marche derrière le Christ, et vous, vous ne le suivez pas ». La racine de tout cela était l'orgueil. Les Corinthiens étaient des connaisseurs en matière de sermons, ils critiquaient leurs prédicateurs comme des étant des amuseurs plutôt que d’avoir un regard critique sur eux-mêmes comme chrétiens.

1 Corinthiens 1 : 18-25

Maintenant, si Paul passait directement de 1 Cor 1 : 17 à 1 Cor 2 : 1, je n'aurais pas relevé qu’un élément manquait. Mais il franchit d’abord une autre étape dans 1 Cor 1 : 18-31. La vision de Paul émerge du problème auquel il est confronté, c’est-à-dire toute la stratégie de Dieu pour l'histoire humaine. L’orgueil des Corinthiens constitue sa toile de fond. Selon 1 Cor 1 : 18-25, la stratégie de Dieu vise à détruire la sagesse des intelligents (1 Cor 1 : 19), à rendre folles les idées les plus géniales du monde (1 Cor 1 : 20), à défier les génies humains, à esquiver les questionnements humains (1Cor 1 : 21-23) et à opérer la percée la plus grande par une approche que nous mépriserions (1 Cor 1 : 24-25). Dieu élève une croix au-dessus de la confiance en soi de ce monde. Volontairement, Dieu s'abaisse jusqu’à la faiblesse et la folie. Il fait paraître son salut sous une forme peu prometteuse lorsqu’il est jugé par le regard hautain de l'orgueil humain. Dieu a l'intention de plonger le génie humain dans l’embarras, d’exalter la divine folie, et de bénir tous ceux qui sont assez fous pour tenir en estime un Sauveur crucifié.

1 Corinthiens 1 : 26-31

Dans 1 Cor 1 : 26 à 1 Cor 2 : 5, Paul indique aux Corinthiens comment ils ont vu Dieu mettre en œuvre sa stratégie majestueuse dans leur propre expérience. Ils ont vu des méthodes surprenantes de Dieu d’une double façon. Tout d'abord, dans 1 Cor 1 : 26-31, Paul leur rappelle que peu d'entre eux sont des personnes éminentes dans le monde. Mais Dieu a choisi les stupides, Dieu a choisi les faibles, Dieu a choisi le petit et méprisé dans le monde. Trois fois dans 1 Cor 1 : 27-28 Paul leur rappelle que c'était le propre choix de Dieu. Il n'a pas été embarrassé par les laissé-pour-compte. Il a d'abord revendiqué ses droits, et il a choisi les moins que rien. Pourquoi ? Regardez aux objectifs de cette façon de procéder dans 1 Cor 1 : 27-29 : « pour confondre les sages, . . . pour confondre les forts. . . pour réduire à rien ce qui est, [et voici le but final de Dieu] afin qu'aucune chair ne se glorifie dans la présence de Dieu ». Comme CS Lewis nous l’a enseigné, l'orgueil humain est « l’état de l’esprit totalement opposé à Dieu » [6], et Il ne fera jamais la paix avec cet état d’esprit. Mais selon 1 Cor 1 : 30, Dieu aime donner sa sagesse aux gens simples, sa justice aux personnes discréditées, sa sanctification aux pécheurs et sa rédemption au peuple esclave en union divine avec Christ. Tout vient de Dieu. C’est pourquoi, « Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur » (1 Cor 1 : 31).

4. 1 Corinthiens 2 : 1-5

Maintenant, dans notre passage de 1 Cor 2 : 1-5, Paul rappelle aux Corinthiens qu’ils ont vu d’une autre façon Dieu utiliser des personnes insignifiantes pour sa propre gloire. Ils ont également été témoins de la stratégie divine dans la personne même de Paul. C'est pourquoi il commence 1 Cor 2 : 1 avec « Pour moi, lorsque je suis allé chez vous… ». Il est entrain de dire : « Voulez-vous une autre image de la puissance de Dieu qui fait quelque chose à partir de l’homme ordinaire ? Regardez à moi ».

1 Corinthiens 2 : 1

« Pour moi, frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu » (1 Corinthiens 2 : 1).

Comment le témoignage de Dieu peut-il être servi par l’intelligence humaine ? Même si la doctrine prêchée est vraie, une présentation qui met en valeur le présentateur, va la vider de sa vraie puissance. D'une certaine façon, c'est pour Paul une chose étrange. Cet homme brillant était incapable d'être ennuyeux. Ce passage lui-même est une déconstruction éloquente de l'éloquence humaine. Qu’est-ce que Paul évitait donc dans sa prédication ? Qu’était la « supériorité de langage ou de sagesse  » qu’il considérait inadéquate ? Qu’étaient les « paroles de sagesse du langage » dans 1 Cor 1 : 17, qui affaiblissent l'Évangile ? Où avait-t-il fixé la limite, et où la fixons-nous ?

L’excellent livre de Duane Litfin intitulé « St. Paul’s Theology of Proclamation » nous vient en aide ici. [7] Litfin relie l'argument de Paul à la culture de la rhétorique dans le monde antique. Lorsque Paul se réfère aux « paroles de sagesse du langage » (1 Cor 1 : 17), à la « supériorité de langage ou de sagesse  » (1 Cor 2 : 1) et aux « discours persuasifs de la sagesse » (1 Cor 2 : 4), il a à l'esprit les arts de la rhétorique classique. La rhétorique était le fondement de l'éducation et de la crédibilité dans le monde de Paul. Elle était la ligne de démarcation sociale entre les gens chics et cool de la classe supérieure de loisirs et les gens simples et ordinaires du prolétariat. Toute la rhétorique n’était pas sophistique (argumentation intelligente mais induisant en erreur), mais le public applaudissait l'usage habile de l'argumentation de sorte qu'une position fragile pouvait l'emporter sur une position plus solide. Ils respectaient les démonstrations d’intelligence et de sophistication intellectuelle. C'était ainsi que les mécanismes de persuasion étaient huilés. Le lustre de la rhétorique propulsait le nom d'une personne en tête d’affiche. Et l'église de Corinthe n’avait aucun problème avec cela (2 Cor 11 : 18-21).

Nous le voyons aujourd'hui dans la publicité, dans la manipulation politique, dans l'argumentation manipulatrice de la loi, dans les débats télévisés : lorsqu’aucun évènement ne mérite de faire l’actualité, on continue à combler une heure avec des mots, dans les monologues brillants de comédiens de fin de nuit, dans des groupes de pop-musique avec des scènes soigneusement chorégraphiées. On n’a absolument rien à dire mais on l’affirme d'une manière qui nous conduit à continuer de les regarder. La rhétorique est la professionnalisation de la communication, et ça fonctionne. Mais il y a un problème : tout cela n’est qu’une propre mise en valeur pour une glorification personnelle, et c'est là que Paul fixe la limite. Il était un homme doué, s’exprimant bien, attentif, passionné, savant, fascinant, mais il connaissait la différence entre prêcher Christ et accomplir une performance. Il connaissait la différence entre gagner des disciples à Christ et attirer un public à soi-même. Il connaissait la différence entre transmettre le message de l'Évangile et imprimer sa marque reconnaissable dans la manière de le dire. Il connaissait la différence entre l'Esprit et la chair.

C'est la différence entre un ῥήτωρ et un κῆρυξ. Un ῥήτωρ, un rhétoricien visait à façonner l'opinion et à produire une croyance. Il voulait conduire les gens quelque part. Ainsi, il analysait son auditoire, venait à comprendre ce qu'il allait faire pour les déplacer d'un point A au point B. Et par la seule force de sa personnalité et de ses compétences, il les amenait à la conclusion souhaitée. Les maitres de la rhétorique créèrent des écoles au temps de Paul pour montrer aux gens comment faire. Aujourd'hui, vous voyez des annonces dans les magazines des compagnies aériennes. Pour 250 $, vous pouvez acheter un jeu de CD pour apprendre à influencer un public et obtenir de lui une standing ovation. Mais la vérité n'est pas la passion du rhétoricien ; il cible la considération.

En revanche, un κῆρυξ, un messager était contrôlé par son message. Il était responsable de celui qui l'avait envoyé. Un messager ne méprisait pas son auditoire. Nous savons d'après 1 Co 9 que Paul s’adaptait humblement et largement aux différents profils humains dans son champ missionnaire. Il se considérait débiteur des sages et des ignorants (Romains 1 : 14), mais il n'a jamais pu ajuster son message à qui que ce soit. Son message était la croix. L'humiliation, l'impuissance et l'absence d'ego de cette croix forgèrent la communication de Paul. Il est vrai que lorsqu’un amateur est invité à prendre la parole en public, la première question qu'il pose est : « Sur quel sujet devrais-je parler ? ». Mais quand un professionnel est invité à prendre la parole en public, la première question qu'il pose est : « Qui est mon public ? » Alors Paul affirme ici : « Je choisis d'être un amateur ».

Donc, pour le rhétoricien, le point visé était l’auditoire, et la variable d’ajustement était le message. Paul a renversé cela. Il était sensible à ses auditeurs. Il aspirait toucher leurs cœurs. Il répondait à leurs questions. Mais il n'a pas utilisé les ficelles du métier pour produire un résultat. Paul était captivé par une folie et une faiblesse que son public ne comprenait pas ou même ne respectait pas. Il savait que c'était la sagesse et la puissance de Dieu. L’Evangile pointe vers une masse de chair ensanglantée, crucifiée, difficilement reconnaissable comme humain. Cet Evangile dit à nous tous : « se trouve la guérison de toutes vos blessures. se trouve la satisfaction de tous vos désirs. se trouve la sagesse pour chaque question que vous vous posez. se trouve la victoire qui ouvrira un nouvel avenir pour tout l'univers ». Aujourd'hui, le secret le mieux gardé au monde est que la vie jaillit de la mort, la joie de la tristesse, la puissance de la soumission, la grandeur de l'ordinaire, l’opportunité des échecs. Jésus est le paradoxe. Suspendu à sa croix, et ressuscitant de son tombeau, Jésus a prouvé la sagesse de la folie de Dieu et la puissance de la faiblesse de Dieu. Paul a compris cela. Il a révéré cela. Il ne voulait pas le salut d’aucune autre manière. La croix a libéré Paul non pour être une personnalité brillante dans sa prédication, mais pour être aussi faible que Christ lui-même.

1 Corinthiens 2 : 2

« Car je n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ crucifié » (1 Co 2 : 2).

Peu importe ce que font ne font pas les autres prédicateurs, Paul avait jugé par lui-même et il décida. J'aime cela. Cet homme pense. Il pense par lui-même. Il n'est pas en train de dupliquer le ministère de quelqu’un d’autre. Il n'est pas façonné par les attentes du public. Il est saisi par le témoignage de Dieu. Ainsi, il prit une décision de ne pas choisir entre un message édulcoré de la croix en opposition à un message totalement biblique de la croix. Il prit la décision entre un message totalement biblique de la croix délivré par un prédicateur non crucifié en opposition à un message totalement biblique de la croix délivré par un prédicateur crucifié. Lorsqu’il arriva à Corinthe, il était prêt à être utilisé par l'Esprit de Dieu.

Lorsque je lis 1 Cor 2 : 2 et me demande quel mot anglais concrétise le ton de ce verset, le mot « respect » est le seul mot qui convient. Paul révérait Christ. Il n'a pas utilisé l'Evangile de Christ pour une autre fin. Il révérait Christ. Un poète du dix-neuvième siècle place ces mots remplis d’imagination mais appropriés dans la bouche de l'apôtre :

Christ ! Je suis à Christ ! Et que le nom vous suffise ;
Oui, pour moi aussi Il a grandement suffi.
Regardez, avec aucun mot attrayant je vous séduirais ;
Paul n'a d'honneur et d’ami sinon le Christ [8]


Paul savait et estimait que la prédication de Christ crucifié était sacrée, intouchable, et suffisante en soi. C'est le témoignage de Dieu, qui a dit à son peuple par Esaïe :

Quand vous venez vous présenter devant moi,

Les parvis du temple lui appartenaient, et pas à eux, et la prédication de l'Évangile lui appartient et non à nous. Il donne le ton. Il définit les règles de base. Si nous vulgarisons l'enceinte sacrée du ministère de l’Evangile en introduisant notre ego dans notre prédication, il est offensé. Vous avez quelques décisions courageuses à prendre concernant votre style de prédication. Si vous ne le faites pas, la pression du public vous submergera, et ces pressions ne sont pas favorables au profond respect de 1 Cor 2 : 2.

J'espère que je pourrais avoir le privilège de venir un jour dans votre église. Mais si à la fin du culte, mon impression dominante est que l'éclairage était doux et le groupe était génial et que vous étiez mignon, je viendrais vous voir à la fin et je vous demanderais :

De qui s’agissait-il ? – de vous ou de Christ ? Vos paroissiens sont des pécheurs désespérés, et certains d'entre eux le savent. Ils sont entrés ici ce matin vous suppliant pratiquement de leur montrer un Sauveur, et ce Sauveur n'est pas vous. Ils ont besoin de Christ. Mais ils ne peuvent entendre, entendre vraiment son Evangile s’il n’y a pas la puissance divine dans l’Evangile. Cherchez-vous la puissance de Dieu par la foi, ou cherchez-vous votre puissance ? De qui s’agit-il ? A qui cela sert-il ? Avez-vous décidé ?

1 Corinthiens 2 : 3-4

« 3Moi-même j'étais auprès de vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement ; 4ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance ». (1 Cor 2 : 3-4).

Cela ne dérangeait pas Paul d’apparaître comme modeste, insignifiant et même faible. Comment cela pouvait-il le déranger si son message était d’annoncer un homme crucifié ? La prestance de Paul ne s’opposait à pas son message bien que l’arrogance des Corinthiens eut préféré quelqu’un de plus impressionnant. Imaginez deux membres de cette église qui se rencontrent sur la place du marché durant la semaine :

« Hé, qui prêche à l'église ce dimanche ? »
« Paul ».
« Oh non ! J'ai invité mon voisin. Je pensais que ce serait le Dr. Jesaistout qui prêcherait cette semaine. Paul part d’un bon sentiment, mais il ne sera jamais dans la cour des grands ».

Paul savait qu'il n'était pas ce qu'ils voulaient, mais cela lui convenait. Sa révérence au Christ crucifié ne le laisserait pas monter à grandes enjambées sur la tribune publique à Corinthe avec l'arrogance présomptueuse d'un rhétoricien de premier ordre. Comme messager du Christ, il ne voulait pas s'abaisser à cela. Philostrate fait remarquer que Scopelian, l’orateur populaire, se présentait devant ses auditoires non pas « avec l’allure d’un orateur timide mais avec l’allure de celui qui entrait dans une controverse pour gagner en gloire pour lui-même et en étant convaincu qu'il ne pouvait échouer». [9] Mais l'apôtre Paul est venu « dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement ».

Je ne pense pas que Paul est en train d’idéaliser une présentation non sophistiquée qui n'est qu'une autre façon de se mettre en valeur. Il ne suggère pas que nous fassions secrètement notre propre éloge en nous abaissant, ce qui est une autre forme d’égocentrisme manipulatoire. Aujourd'hui, plutôt que d'être gênés par nos points faibles, nous pourrions insister pour qu’ils soient vus de tous et nous appellerions cela « honnêteté ». Mais Paul n’est pas en train de dire qu'il mettait en valeur le manque d’assurance plutôt que la confiance. Il n'a pas montré cela du tout. William Willimon nous rappelle : « L'authenticité va au-delà de la question qui suis-je ; il s’agit d’être ce que Dieu m'appelle à être. Pour les prédicateurs, l'authenticité signifie être vrai, pas seulement avec nos sentiments, mais vrai avec notre vocation, vrai par rapport à l'appel de Dieu ». [10]

Paul se sentait insuffisant. Et pourquoi pas ? C'est la stratégie de Dieu pour l'histoire humaine d’exposer cette insuffisance et ensuite de la remplacer par Jésus. Ainsi, Paul ne s'est pas présenté sous un faux-jour ou ne s’est pas présenté en faisant sa propre apologie. Il avait décidé que lorsqu'il se présenterait devant les gens, il ne parlerait que de Christ. Et la puissance de Dieu s’est manifestée.

De toute évidence, le contraste dans 1 Cor 2 : 4 se trouve entre « les discours persuasifs de la sagesse » et la « démonstration d’Esprit et de puissance ». Les discours persuasifs de la sagesse sont les formes impressionnantes de la présentation qui influencent les sentiments et l’opinion. Mais aucune puissance humaine, aussi brillante soit-elle, ne peut créer la conviction, la conviction ressentie et centrée sur Christ qui inspire une résistance héroïque à ce présent siècle mauvais. Ces puissances humaines font partie de ce présent siècle mauvais. Même si elles changent quelqu’un, c’est uniquement pour réorganiser le mobilier dans leurs esprits mondains.

La persuasion est valable, même indéniable. Paul dit lui-même : « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes » (2 Cor 5 : 11). Nous devrions viser à satisfaire l'esprit, gagner le cœur et amener les gens à l’action (Actes 17 : 2-4 ; 18 : 4). Une monotonie indolente, sans imagination et sans surprise au nom de la fidélité ne le fera pas ! Mais pour que notre prédication transparaisse comme le témoignage de Dieu, le Saint-Esprit doit le prouver. Paul ne dépendait pas seulement de la puissance de l'Esprit ; sa prédication démontrait la puissance de l'Esprit. Le mot « démonstration » signifie ici preuve. Elle transpose la pensée d’une personne d’au-delà du vraisemblable vers le certain, où les décisions vitales sont forgées. C'est ce que le Saint-Esprit fait, et seul l'Esprit peut faire cela. Ici, Paul admet ouvertement qu'il n'était pas même efficace sur le plan du vraisemblable. Mais Dieu est intervenu. L'Esprit balaya discrètement les préjugés des personnes, pénétra dans leurs esprits et dans leurs cœurs. Il démontra, il le prouva comme Dieu seul peut le faire - que Christ crucifié est la sagesse et la puissance de Dieu brillamment déguisées en folie et faiblesse. Il démontra aussi que les croyances inspirées du monde auxquelles les auditeurs s’étaient toujours cramponnés étaient folie et faiblesse brillamment déguisées en sagesse et en puissance. Ce changement de cœur est un miracle. C'est le don de « tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » Col 2 : 2). Pas de rhétoricien, pas même un apôtre, peut amener les personnes à ce stade, mais Dieu le peut, et il le fait, au moyen de faibles prédicateurs. Voici le résultat clair :

1 Corinthiens 2 : 5

« Afin que votre foi ne soit pas (fondée) sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu ». (1 Cor 2 : 5).

L'avantage de la prédication spirituelle - non seulement la prédication par exposition, est significative. Paul aurait pu atteindre des résultats avec « la sagesse des hommes » mais la sagesse humaine se nourrit de la puissance humaine. Le message de la croix, prêché dans la puissance humaine, laissera toujours des convertis vulnérables à un argument plus intelligent, à une présentation plus pertinente, à une personnalité plus charismatique. Aujourd'hui, un argument sans réponse de la part de la sagesse humaine est une note de bas de page académique inaperçue demain. Paul prêchait comme un vase d’un usage noble. Le Saint-Esprit agit dans le monde avec puissance aujourd’hui dans ce seul but : exalter le Seigneur Jésus-Christ, l’ami crucifié et ressuscité des pécheurs.

5. Conclusion

Ne nous laissons jamais intimider ou déprimer par notre banalité et notre insuffisance. La plupart d'entre nous sont tout à fait ordinaires. Nous pouvons tous améliorer notre prédication, et nous le ferons. Mais ce qui est donné de sacré est le message de la croix, que l'Esprit Saint accorde à des hommes de la croix. Il ne faut pas vider la croix de sa puissance. Confions-nous dans la stratégie de Dieu. Dieu lui-même est entré dans sa propre stratégie à travers une personne sans ego, du nom de Jésus-Christ, que ce monde brillant a crucifié. Que Christ nous envoie prêcher son message par sa puissance. Nous sommes totalement équipés pour ce qui est essentiel au témoignage de Dieu, le message de Christ crucifié et la puissance du Saint-Esprit. Vous déciderez-vous à miser tout votre ministère dans ce sens ?

  1. 1. Les trois articles de cette série sont des manuscrits édités à partir des Conférences E.Y. Mullins de 2008, présentées au Séminaire Théologique Southern Baptiste le 30 septembre et 1-2 octobre 2008 (disponibles sur http://www.sbts.edu/resources/Audio_Resources/Mullins_Lectures.aspx). Les parties 2 et 3 (« La puissance dans la prédication : Désirer [1 Thessaloniciens 1 : 2–5] » et « La puissance dans la prédication : Prendre plaisir [2 Corinthiens 12 : 1–10] ») seront publiées dans Them 34 : 2 et 34 : 3 (2009)
  2. Jonathan Edwards, Works (Ré-impression, Banner of Truth : Edinburg, 1979, 2 : 12.
  3. Dans la version en anglais, les citations bibliques sont de la Sainte Bible, Version Anglaise Standard, copyright 2001 par Crossway Bibles, un département de Good News Publishers. Utilisées avec leur permission. Tous droits réservés.
  4. Edith Schaeffer, “The Tapestry : The Life and Times of Francis and Edith Schaeffer” (Waco : Word, 1981), p 356.
  5. J’ai adapté ce paragraphe de John R. Stott, The Baptism and Fullness of the Holy Spirit (Chicago, 1964), p 3.
  6. C. S. Lewis, Mere Christianity (New York: Macmillan, 1958), p 94.
  7. Duane Litfin, St. Paul’s Theology of Proclamation : 1 Corinthians 1–4 and Greco-Roman Rhetoric (Cambridge : Cambridge University Press, 1994).
  8. F. W. H. Myers, Saint Paul (London : Simpkin, Marshall, Hamilton, Kent, 1916), p 13.
  9. Cité dans Litfin, St. Paul’s Theology of Proclamation, p 209.
  10. William H. Willimon, “Naked Preachers are Distracting” Christianity Today 42 (April 6, 1998), p 62.