L’évangile et les pauvres

De Livres et Prédications Bibliques.

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English: The Gospel and the Poor

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Par Tim Keller À Propos de Pauvreté
Partie de la série : Themelios

Traduction par Virginie Janvier

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Sommaire

L'évangile et les pauvres[1]

La première question que j'avais posée lors du discours était la suivante :

« Comment notre engagement envers la primatie de l'évangile est lié à notre obligation d'être bon envers toutes les personnes, notamment envers l’église, de servir comme sel et lumière dans le monde, pour être bon envers les personnes vivant en ville ? » Je diviserai la question en deux parties : « (1) Si nous sommes engagés envers la primatie de l'évangile, l'évangile en lui-même sert-il de fondement et de motivation pour le ministère aux pauvres ? » Dans l’affirmative, alors comment ce ministère relate-t-il la proclamation de l'évangile ?

1. L'évangile en lui-même nous conduit-il à être le ministre des pauvres ?

La primatie de l'évangile

Que signifie «la primatie de l'évangile» ? Je répondrai à cette question du professeur Carson posée lors du discours prononcé au cours de la première conférence sur la coalition de l'évangile en mai 2007.[2] Carson clarifie l'évangile de 1 Cor 15:1–19 en le résumant en huit mots :

  1. Christologique : l’évangile se centre sur la personne et l’œuvre (la vie, la mort, et la résurrection) de Jésus-Christ.
  2. Théologique : L’évangile nous apprend que le péché est d’abord et avant tout une offense contre Dieu et que le salut est en premier lieu le dernier acte de Dieu, et pas le nôtre.
  3. Biblique : l’évangile est avant tout le message de la Bible.
  4. Apostolique : l’évangile nous est transmis par les disciples de Jésus en tant que témoins oculaires faisant preuve d’autorité.
  5. Historique : l’évangile n’est pas un livre philosophique ou de conseil sur la manière de trouver Dieu, mais plutôt un livre qui nous informe sur l’histoire de Dieu et ce qu’il a fait pour vous trouver et vous sauver.
  6. Personnel : chacun doit croire en l’évangile qui doit être approprié.
  7. Universel : l’évangile est destiné à toutes les langues, les tribus, les personnes, et les individus.
  8. Eschatologique : l’évangile apporte la bonne nouvelle de la transformation finale, non seulement la grâce dont nous jouissons en cet âge.

De ce résumé exégétique, Carson conclut en gros que la proclamation de l’évangile s’est diffusée de manière normale. La grande majorité des références à l’évangile dans le Nouveau Testament traite de la diffusion de l’évangile à travers des mots. Cependant, en tant que messager de l’évangile, la responsabilité de Paul ne s’est pas simplement limitée à la diffusion de la proclamation aux non-croyants. Paul «a également trouvé utile de travailler sans relâche pour colporter l’évangile dans chaque domaine de la vie des Corinthiens».[3] Après avoir rappelé le fait que la diffusion de l’évangile s’est tout d’abord faite à travers la proclamation, Carson écrit :

Pourtant quelque chose doit être dit. Ce chapitre [1 Cor 15] vient à la fin du livre qui montre à plusieurs reprises la manière comment l’évangile opère, et ce à juste titre, pour transformer des attitudes, des moeurs, des relations, et des échanges culturels chez beaucoup de personnes. Comme chacun le sait, Calvin insiste sur le fait que la justification se fait seulement à travers la foi, mais la véritable foi n’arrive jamais seule. Nous pourrions ajouter que l’évangile insiste sur le message qui évoque les actes passés et présents de Dieu, et doit être partagé à travers les croyances cognitives pour que nous croyions et que nous obéissons, mais le propre de l’évangile ne reste jamais exclusivement cognitif.[4]

Les autres lettres des corinthiens démontrent ceci à maintes reprises. Lorsque Paul dénonce les divisions entre Corinthiens et l’esprit de parti (1 Cor 1:10–17), il affirme qu’ils viennent de la fierté et de la vantardise, une trahison de l’évangile de la grâce souveraine (1:26–31). Lorsque Paul traite de la question du péché sur la sexualité et de discipline dans les chapitres 5 et 6, il fournit des indications sur la manière de se comporter et fonde son appel dans l’évangile de la justification (6:11) et par le fait qu’ils aient été rachetés par la mort du Christ (6:19–20). Dans le chapitre 7, les questions de célibat, de divorce et de remariage « sont les priorités de l’évangile et la vision transformée vient de l’ère eschatologique qui se développe et l’anticipation de la fin. »[5] Dans le 2 Cor 8–9, Paul appelle avec éloquence à la générosité au niveau financier selon l’évangile. La générosité radicale et humble devient « soumise à la confession de l’évangile » (2 Cor 9:13), c’est-à-dire que pour nous le matérialisme ne parvient pas à prendre au sérieux l’évangile avec le sacrifice de la mort du Christ. De la même façon, Paul défie la conduite de Peter envers les bons chrétiens en insistant sur le fait qu’il n’était pas « en phase avec la vérité de l’évangile » (Gal 2:14).

L’évangile doit également transformer les pratiques du commerce et les priorités des chrétiens dans le commerce, les priorités des jeunes hommes indécis face à un narcissisme impitoyable, l’angoisse du célibat et souvent la culpabilité des plaisirs des célibataires qui continent à rechercher du plaisir sans trouver le bonheur, l’immense désespoir de ceux vivant en marge de la société, et bien plus encore. Et ceci doit être fait, non pas en essayant de résumer des principes sociaux de l’évangile, encore moins en se focalisant sans cesse sur une peine perdue envers l’appel prophétique, mais précisément en prêchant, en enseignant et en vivant la gloire de l’évangile de notre saint Rédempteur dans nos églises.[6]

Donc que signifie s’engager auprès de la primatie de l’évangile ? Tout d’abord cela veut dire que l’évangile doit être proclamé. Aujourd’hui de nombreuses personnes dénigrent l’importance de cette proclamation. Au lieu de cela, ils disent que la seule et véritable excuse est une communauté aimante. Les personnes ne peuvent pas être motivées dans le règne, elles peuvent seulement être aimées. « Prêcher l’évangile. Utiliser la parole si besoin ». Mais pendant que la communauté chrétienne est en effet un témoin puissant et essentiel à la vérité de l’évangile, elle ne peut pas remplacer le sermon et la proclamation. Cependant, la primatie de l’évangile signifie aussi qu’il est le fondement et la ligne de conduite pour les pratiques chrétiennes, individuellement et collectivement, au sein et hors de l’église. Le ministère de l’évangile ne la proclame pas seulement aux personnes pour qu’elles l’embrassent et qu’elles croient en elle. Elle est également enseignée et les croyants la suivent si bien qu’elle façonne entièrement leur vie, afin qu’ils puissent « vivre avec elle. » Et un des domaines les plus importants sur lequel l’évangile agit est notre rapport envers les pauvres.

Je ne connais pas meilleure introduction à la manière dont l’évangile nous pousse vers le ministre des pauvres que le discours de Jonathan Edwards sur « la charité chrétienne. »[7] Edwards conclut que donner et prendre soin des pauvres est un élément essentiel, qui ne s’ajoute pas au fait de « vivre en accord avec l’évangile. » Il y a deux arguments de base qu’Edwards mets en avant pour cette conclusion.

(1) Croire en l’évangile nous conduira à donner aux pauvres

Edwards nous montre à maintes reprises comment comprendre ce qu’il appelle « les règles de l’évangile », le sens et le côté rationnel de l’évangile, et nous conduit inévitablement à aimer et aider les pauvres. Tandis qu’Edwards croit que le fait d’ordonner de donner aux pauvres signifie s’impliquer dans l’apprentissage que tous les êtres vivants sont faits à l’image de Dieu,[8] il croit que la plus importante motivation pour donner aux pauvres est l’évangile: Donner aux pauvres est « particulièrement raisonnable, compte tenu de notre situation, selon cette dispense de grâce comme celle de l’évangile ».[9]

Un des textes clés vers lequel Edwards se tourne pour décrire ce cas est le 2 Cor 8:8–9 (dans le contexte de l’intégralité des chapitres 8 et 9). Quand Paul demande d’être généreux au niveau financier envers les pauvres, il souligne le dépouillement de Jésus, en le décrivant de façon frappante comme un nouveau pauvre pour nous, littéralement et spirituellement, dans l’ incarnation et sur la croix. Pour Edwards, la petite introduction de Paul « Je ne vous donne pas d’ordres . . . car vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ » est pertinente. L’argument semble être que si vous prenez le péché qui se substitue dans votre tête et dans votre cœur, vous serez profondément généreux envers les pauvres. Réfléchissez-y ! La seule façon pour Jésus de nous sortir de notre pauvreté spirituelle des richesses spirituelles était de sortir ses richesses spirituelles de la pauvreté spirituelle. Ceci doit être à présent le sens de votre vie. Distribuez votre richesse et aidez ceux dans le besoin pour qu’ils bénéficient d’une aide financière. Paul suggère également ici que tous les pécheurs sauvés par la grâce s’occuperont des pauvres de ce monde et auront l’impression de se regarder dans le miroir d’une certaine manière. La supériorité aura disparu.

Un autre texte vers lequel Edwards s’est tourné plus d’une fois est le Gal 6:1–10, en particulier le verset 2, qui nous ordonne de « porter son fardeau ou celui des autres. »[[10]Quels sont ces fardeaux ? Paul voit, au moins partiellement, des fardeaux d’ordre matériel et financier, car le Gal 6:10 nous dit « d’être bon envers tous les hommes, en particulier envers l’église. » Edwards (à juste titre, selon les exégètes modernes) comprend « qu’être bon » c’est aider concrètement les personnes qui ont besoin de nourriture, d’abris, et d’aide financière. La majorité des commentateurs comprennent que « porter un fardeau » est compréhensif. Nous partageons notre amour et notre force émotionnelle avec ceux qui s’enfoncent dans la douleur ; nous partageons notre argent et nos biens avec ceux qui sont en détresse financièrement. Mais que veut dire Paul quand il dit que porter un fardeau « s’acquitte de la loi du Christ » (Gal 6:2) ? Edwards appelle ceci « les règles de l’évangile ».[11] Richard Longenecker est d’accord, pour appeler ceci « les principes puristes issus du cœur de l’évangile. »[12] Comme le souligne Phil Ryken, l’acte final de porter un fardeau a été l’expiation substitutive dans laquelle Jésus a porté le fardeau éternel de notre culpabilité et de notre péché.[13] Nous voyons de nouveau Paul raisonner de la manière suivante : quiconque qui comprend l’évangile partagera son argent et ses biens avec ceux dans le monde qui en ont le moins.

Edwards raisonne ainsi: et si c’est l’évangile qui nous pousse à aider les pauvres, le fait de donner et de s’impliquer envers les pauvres sera important, remarquable, et sacrificiel. Ceux qui donnent aux pauvres sans l’envie de respecter une prescription morale feront toujours le minimum. Si nous donnons aux pauvres simplement parce que « Dieu le dit », la question suivante sera : « combien devons-nous donner pour que nous ne soyons pas dans la norme ? ». Cette question et ce comportement montrent que ce n’est pas le don selon l’évangile. Dans la dernière partie de son discours, Edwards émet l’objection suivante: « vous dites que je dois aider les pauvres, mais j’ai bien peur que je ne serve à rien. Je ne peux pas le faire ». Edwards répond,

Dans de nombreux cas, nous pouvons, par les règles de l’évangile, être obligés de donner aux autres, quand nous ne pouvons pas le faire sans nous faire souffrir . . . ailleurs comment cette règle concernant le fait de porter son fardeau ou celui des autres est-elle respectée ? Si nous ne sommes jamais obligés de soulager les fardeaux des autres, mais quand nous pouvons le faire sans que ce soit un fardeau pour nous, alors comment portons-nous les fardeaux du voisin, quand nous ne portons aucun fardeau ?[14]

Edwards indique que si la base de notre ministère d’aider les pauvres était simplement une prescription morale, les choses pourraient être différentes. Mais si la base de notre implication envers les pauvres repose sur « les règles de l’évangile », appelées sacrifice substitutif, alors nous avons le devoir d’aider les pauvres même quand nous pensons que « nous ne pouvons pas nous le permettre ». Edwards bluffe et dit, « ce que vous voulez dire est que, vous ne pouvez pas les aider sans vous sacrifier et vous faire souffrir. Mais c’est la manière dont Jésus vous a soulagé de vos fardeaux ! Et c’est la manière dont vous devez être ministre des autres avec leur fardeau ».

Dans la partie la plus importante du discours, Edwards répond à une série d’objections communes qu’il obtient quand il prêche l’évangile, le devoir de donner aux pauvres. Dans presque tous les cas, il utilise la logique de l’évangile, l’expiation substitutive et la libre justification, sur l’objection. Dans chaque cas, la générosité radicale, remarquable, sacrificielle envers les pauvres résulte d’une réflexion et du fait de vivre en harmonie avec l’évangile. A l’objection: «  je ne dois aider personne à moins qu’elle soit sans ressources », Edwards répond que «  la règle de l’évangile » nous amène à aimer notre voisin comme le Christ nous a aimés, dans le sens littéral en partageant nos souffrances. « Lorsque notre voisin se trouve en difficulté, il est affligé. Nous devrions avoir cet amour envers lui, comme pour partager sa souffrance ».[15] Puis il se raisonne en se disant qu’en faisant ceci, nous aurons besoin de soulager la souffrance même si la situation de notre voisin est à court de ressources. Le fait d’attendre que les personnes soient totalement sans ressources avant que tu leur viennes en aide montre que la logique de l’évangile n’a pas encore fait de toi la personne émotionnellement et socialement compréhensive que vous devriez être.

Edwards s’attaque à deux autres objections : « je ne souhaite pas aider cette personne parce qu’elle est désagréable et qu’elle n’est pas reconnaissante » et «  je pense que c’est de sa faute si cette personne est devenue pauvre. » Aider les pauvres est un éternel problème. Nous voulons tous aider les personnes honnêtes, qui ont bon cœur et qui se sont retrouvées pauvres sans demander aucune contribution et qui répondront à votre aide avec reconnaissance et joie. Franchement, presque aucune personne comme ça qui existe. Et tandis que notre aide envers les pauvres est importante pour les aider réellement et pour ne pas créer de dépendance (voir ma dernière partie), Edwards fait qu’une bouchée de cette objection en faisant de nouveau appel à des prescriptions éthiques mais davantage à l’évangile.

Le Christ nous a aimé, a été gentil avec nous, et était prêt à nous soulager, même si nous avons été mauvais et détestable, avec un mauvais tempérament, ne méritant pas le bien . . . alors nous devons être prêt à être gentil avec ceux qui sont de mauvais humeur, et qui sont très peu méritants. . . . Si ces personnes sont venues à vouloir le vice de l’oisiveté et de la prodigalité; pourtant nous ne sommes pas là pour les excuser de toute obligation pour les soulager, à moins qu’elles persistent dans ces vices. Si elles ne continuent pas dans ces vices, les règles de l’évangile nous amènent à les pardonner . . . . [Car] Le Christ nous a aimés, a eu pitié de nous, et qu’il a beaucoup donné de lui-même pour nous soulager de ce désir et de cette souffrance que nous nous faisons subir par notre propre folie et par notre méchanceté. Nous jetons bêtement et de manière perverse ces richesses qui nous ont été données, sur lesquelles nous aurions pu vivre et être heureux toute l’éternité.[16]

Edwards poursuit en affirmant, à bon escient, que pour le bien des enfants au sein des familles, parfois nous aurons besoin d’apporter de l’aide aux familles dont les parents ne se détournent pas de leur comportement irresponsable.[17]

En bref, Edwards informe que l’évangile nous demande d’être impliqué dans la vie des pauvres, non seulement financièrement, mais personnellement et émotionnellement. Notre don ne doit pas être symbolique mais plutôt radical qui apporte une mesure à la souffrance dans notre propre vie. Et nous devons être très patients et ne pas être paternalistes, avec la main ouverte vers ceux dont le comportement a causé ou aggravé leur pauvreté. Ces attitudes et ces dimensions de ministre envers les pauvres ne viennent pas juste de principes généraux, éthiques et bibliques mais de l’évangile.

(2) Etre ministre des pauvres montre à quel point nous croyons en l’évangile

Edwards parle également d’un ensemble de textes qui semble évoquer le fait que nos attentions envers les pauvres sont à l’origine du jugement de Dieu, le jour du Seigneur. La célèbre parole de Matt 25:34–46 est la suivante : les personnes seront acceptées ou condamnées par Dieu le dernier jour selon la manière dont elles ont agit face aux personnes qui ont faim, les sans-abris et les immigrés, les malades, et les prisonniers. Comment est-ce possible ? Est-ce que ceci contredit ce que Paul enseigne, à savoir que nous sommes sauvés par notre foi dans le Christ, et non pas nos œuvres ?

Edwards Remarque que dans l’Ancien Testament donner aux pauvres est un geste remarquable qui nous permet de nous rapprocher de Dieu. Le célèbre verset Micah 6:8 demande à un homme « de faire justice, d’aimer la miséricorde, et de marcher humblement avec Dieu ». « Edwards conclut (à juste titre, selon Bruce Waltke) que ceci demande à l’homme pieux de se s’impliquer pour aider les pauvres.[18] Waltke affirme que « faire justice » et « aimer la miséricorde » signifient être gentil envers les personnes opprimées et les marginaux et aider les personnes qui sont financièrement et socialement dans une situation plus précaire.[19] Mais cette remarque ne se trouve pas seulement dans l’Ancien Testament. Prendre soin des pauvres est une « chose si importante, que le contraire ne peut exister avec un amour sincère pour Dieu » (1 John 3:17–19).[20] A partir de ceci (et 2 Cor 8:8, qui parle de générosité envers les pauvres comme une preuve de modification dans la grâce, d’amour), Edwards conclut qu’en faisant justice et miséricorde ce n’est pas une raison méritante pour que Dieu nous accepte.[21] Plus exactement, faire justice et miséricorde pour les pauvres est un geste obligatoire pour justifier son amour pour la foi et la grâce.

Une autre version de l’enseignement de Matt 25:34–46 se trouve dans le livre de James. Les protestants qui ont lutté avec les paroles de Jas 2 ont conclu, « Nous sommes sauvés juste par la foi, mais pas par la foi qui reste isolée. La foi sans œuvrer n’existe pas, ce n’est pas une foi légitime. » C’est tout à fait exact. Mais remarquez que, dans le contexte, toutes les œuvres dont parle James sont les preuves d’une foi qui sauve et qui prend soin des veuves et des orphelins (1:27), en montrant du respect aux pauvres et en les traitant de la même manière (2:2–6), et en prenant soin de venir en aide en terme de nourriture et de vêtement (2:15–16). James affirme, méthodiquement, que ceux qui disent qu’ils justifient leur foi mais ferment leur cœur aux pauvres se trompent ou mentent (2:15–18). James conclut, « le jugement sera sans miséricorde pour ceux qui ont montré aucune pitié » ! (2:13). « La pitié», James parle ici d’une importante attention et d’aide envers les pauvres.[22] Ici nous en avons encore la preuve : vous ne trouverez pas la miséricorde de Dieu le jour du jugement si vous n’avez pas montré de pitié envers les pauvres pendant toute votre vie. Ce n’est pas parce que vous prenez soin des pauvres que vous serez sauvé, mais parce que c’est un aboutissement inéluctable que de sauver, légitimer sa foi.

Le principe est le suivant : une conscience sociale et sensible et une vie consacrée à être au service des personnes dans le besoin sont l’aboutissement inéluctable de la véritable foi. En étant aux services des pauvres, Dieu peut juger du véritable amour que vous lui portez en vous écoutant simplement (cf. Isa 1:10–17). Le verset Matt 25, dans lequel Jésus s’identifie aux pauvres (« comme vous l’avez fait à certains d’entre eux, et à moi ») peut être comparé aux proverbes 14:31 et 19:17, dans lequel il est dit qu’avoir de la pitié envers les pauvres est écouter Dieu et que piétiner les pauvres signifie piétiner Dieu. Cela veut dire que le jour du jugement, Dieu peut connaitre la bonté d’une personne envers lui à travers la bonté de la personne envers les pauvres. Si il y a une difficulté, une indifférence, ou une supériorité, cela trahit l’autosatisfaction d’un amour qui n’a pas vraiment embrassé la vérité, qu’il ou elle est un pécheur (-eresse) perdu(e), juste sauvé(e) par une pitié qui ne coûte pourtant rien et qui est précieuse.

L’argument et l’appel à la prière d’Edwards sont très impressionnants. Il commence son étude en demandant, « Où avons-nous écrit tout ordre dans la Bible dans des termes forts, et d’une manière plus urgente et péremptoire, que c’était un ordre de donner aux pauvres ? »[23] Il conclut son étude des propos bibliques avec les Proverbes 21:3 : « Celui qui n’a écouté les cris de détresse des pauvres, devra crier aussi et ne pas être entendu. » Edwards ajoute, « La mort menace les personnes non charitables, et que si jamais elles viennent à être dans la calamité et la détresse, elles doivent recevoir aucune aide. »[24] Edwards emmène chez lui la Bible et exige que selon l’évangile les chrétiens doivent être remarquables par leur implication et leur attention envers les pauvres. Mot pour mot, nous devons être « célèbres » pour ça. C’est l’insinuation évoquée dans les textes tels que Matt 5:13–16 et 1 Pierre 2:11–12.

La place de l’eschatologie

Remarquez qu’Edwards ne fait pas appel à l’eschatologie pour faire de son cas le ministre des pauvres. Il a souvent été souligné (par moi également !) que dû au travail salvateur de Jésus qui a pour but final le rétablissement du monde matériel, par conséquent, Dieu se soucie aussi bien du corps que de l’âme, alors nous devons soulager autant les personnes qui ont faim et les malades que les âmes salutaires. De nombreuses personnes estiment que ce monde matériel brûlera totalement (2 Pierre 3:10–11; Ap 21:1), alors nous devons juste sauver les âmes et ne pas trop s’inquiéter quant à l’amélioration des conditions matérielles des personnes ici.

Nous allons aborder ci-dessous le lien entre les ministres de la parole et de l’acte, mais pour l’instant observons la possibilité de faire un fort cas extrême du grand ministre des pauvres sans faire aucunement référence aux questions d’eschatologie. Les personnes s’interrogent si ce monde se renouvelle lorsqu’il brûle ou s’il est détruit et remplacé.[25] Mais, comme nous pouvons le voir à partir de l’exposé et des l’argumentation d’Edwards, le cas pour l’importance du ministre des pauvres ne se repose pas sur ces sujets controversées. Comme il l’affirme, l’obligation de prendre soin des pauvres est aussi forte que toute obligation figurant dans la Bible, et dans le Nouveau Testament (et même dans l’Ancien Testament), elle est généralement fondée dans l’évangile de substitution, de rançon, et de grâce.[26] L’incertitude quant à savoir si le monde matériel sera remplacé ou non ne doit pas amoindrir notre étreinte concernant les résultats positifs d’exigences bibliques par rapport au fait que nous ouvrons notre cœur aux pauvres.

L’étude d’Edwards est théoriquement intéressante, mais l’étude exégétique beaucoup plus complète et accessible concernant tous les relations entre l’évangile et les pauvres de Craig Blomberg Pas de pauvreté ni de riches est encore plus intéressante.[27] Personne ne peut lire l’étude de Blomberg ou le discours d’Edwards sans être frappé par la manière plutôt absente, par rapport à son pouvoir et à sa proéminence dans la Bible, qu’ils ont d’insister sur le problème des pauvres dans la prédiction évangélique d’aujourd’hui, notamment à travers les églises réformées et conservatrices. Pourquoi serait-ce ainsi ? Nous en arrivons à ceci dans la rubrique suivante.

Quel est le lien entre la proclamation de l’évangile et le ministre des pauvres ?

Comment doit répondre l’église à ce fort et remarquable enseignement de l’évangile en ce qui concerne l’importance de donner aux pauvres ? Il est évident pour presque tout le monde que l’évangile nous enseigne ceci. Cependant, les débats concernent ceux qui doivent aller aider les pauvres et la manière dont l’église doit le faire.

A qui ?

Certains croient que tous les textes rassemblant les croyants traitant de l’aide aux pauvres concernent seulement les croyants en tant qu’individus, et non l’église en tant qu’institution ou organisme. Mais il est difficile de cadrer ce point de vue avec le poids des affirmations que nous avons lu. S’il est tout à fait vrai qu’être juste et avoir pitié des pauvres sont des attitudes à avoir pour un chrétien et que c’est en fait le signe inévitable pour légitimer sa foi, il est difficile de croire que l’église ne doit pas refléter quelque part cette obligation collective. Mais dans ce cas nous ne devons pas émettre d’hypothèse ni de déduction.

Dieu a sauvé Israël de nombreuses lois sur la responsabilité sociale qui ont du être menées collectivement. La communauté engagée a été obligée de donner au membre pauvre jusqu’à ce qu’il n’ait plus besoin (Deut 15:8–10). Les dîmes allaient vers les pauvres (Deut 14:28–29). Ils ne donnaient pas aux pauvres juste de « l’aide », mais des moyens, des céréales (Deut 15:12–15), et des terres (Lev 25) pour qu’ils produisent et qu’ils deviennent autonomes. Plus tard, les prophètes ont condamné l’insensibilité d’Israël envers les pauvres en tant que nation brisant l’engagement. Ils enseignent que le matérialisme et l’ignorance envers les pauvres sont des péchés aussi répugnants que l’idolâtrie et l’adultère (Amos 2:6–7). Avoir pitié des pauvres est une preuve de véritable d’engagement envers Dieu qui vient du cœur (Isa l:10–17; 58:6–7; Amos 4:1–6; 5:21–24). L’importante accumulation des richesses, « de maisons en maisons, de champs en champs jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace » (Isa 5:8–9), même si c’est fait par des moyens légaux, peut être un péché si les riches sont fiers et sans pitié envers les pauvres (Isa 3:16–26; Amos 6:4–7). L’exil de soixante-dix ans était un châtiment en lui-même pour les années inobservées du jubilé et de sabbat (2 Chron 36:20–21). Dans ces années-là, les riches devaient annuler les dettes, mais ils ont refusé de le faire.

Mais c’était Israël. Qu’en est-il de l’église ? L’église reflète la vertu sociale de l’ancienne communauté engagée, mais avec une plus grande vigueur et plus de puissance de la nouvelle ère. Les chrétiens sont appelés également et doivent ouvrir leurs mains à ceux dans le besoin tant qu’ils seront dans la nécessité (1 Jean 3:16–17; cf. Deut 15:7–8). Au sein de l’église, la richesse doit être partagée très généreusement entre les riches et les pauvres (2 Cor 8:13–15; cf. Lev 25). Selon les prophètes, les apôtres enseignent que la véritable foi se montrera inévitablement à travers des actes de miséricorde (Jas 2:1–23). Le matérialisme reste un lourd péché (Jas 5:1–6; 1 Tim 6:17–19). Non seulement les croyants en tant qu’individu ont ces responsabilités, mais une catégorie spéciale d’officiers-diacres est créée pour coordonner le ministère de l’église de la miséricorde. Nous ne devons pas alors être surpris que les deux premiers ensembles des dirigeants de l’église soient des dirigeants dans le monde (apôtres) et des dirigeants dans les actes (le diakonoi de l’Acte 6). A l’époque de Phil 1:1 et de 1 Tim 3, les officiers surveillent le ministère du monde (les aînés) et le ministère des actes (diacres). C’est parce que les dons du ministère de Jésus sont venus à nous (Eph 4:7–12). Le Corps du Christ reçoit des dons de parole et de diakonia (1 Pierre 4:10). Tout ceci montre que le ministère de la miséricorde est un besoin, le travail obligatoire de l’église tout comme l’est le ministère de la parole et de la discipline (cf. Rom 15:23–29). Le second Cor 8:13–14 et Gal 2:10 montre de réelles études de cas de la diakonia collective, dans lesquelles l’église donne des offrandes et vient au secours des pauvres (administrés par ceux désignés par l’église). Non seulement les personnes mais l’église en tant qu’organisme doivent s’impliquer en prenant soin et en aidant les pauvres.

D’autres questions demeurent. Même s’il est reconnu que la congrégation (comme les personnes) doit donner aux pauvres, la grande majorité des références à ce ministère se trouve au sein de la communauté chrétienne. Prendre soin des croyants. Certains concluent qu’alors que les chrétiens doivent s’impliquer en tant que personne pour prendre soin de toute catégorie de pauvres, l’église doit limiter son ministère seulement aux pauvres au sein de l’église. Encore une fois, il y a de nombreux textes qui militent contre cette vision. Israël (Lev 19:33–34) et la nouvelle communauté engagée (Heb 13:2; 1 Tim 5:10) visent à montrer de l’hospitalité envers les étrangers, ceux qui n’appartiennent pas à la communauté croyante. L’idée maîtresse des célèbres paroles de Jésus sur le bon Samaritain (Luc 10:25–37) est que le ministère de la miséricorde ne doit pas se limiter à la communauté engagée, mais doit également s’étendre aux personnes extérieures. De plus, Jésus dans le chapitre de Luc 6:32–36 pousse ses disciples à faire un ministère d’acte envers les personnes ingrates et méchantes parce que c’est l’exemple de la grâce commune de Dieu, qui fait tomber la pluie et briller le soleil sur le juste et l’injuste (Matt 5:45). Cette ultime exhortation ne peut pas être interprétée dans le sens où nous donnons à toute personne qui le demande, même si le don leur facilitera le péché. Néanmoins, ces textes avertissent clairement l’église contre le fait de restreindre son ministère de la miséricorde à uniquement sa propre communauté.

Le passage le plus utile est peut-être la brève déclaration de Paul dans le Gal 6:10 (écrit pour être lu à l’église en tant qu’organisme, non seulement en tant que personnes), qui définit de manière explicite une liste des priorités pour le ministère aux besoins matériels et pratiques. Tout d’abord, nous sommes au ministère de « la maison de la foi » et deuxièmement, « de toutes les personnes » sans faire de distinctions entre les ethnies, les nationalités, ou les croyances.

De quelle manière ?

Mais qu’en est-il de la relation entre le ministère et les pauvres et le ministère de l’évangélisation et la prédication de l’évangile ?

(1) L’évangélisation est différente.

L’église moderniste du début du vingtième siècle a limité le ministère de l’évangile aux éthiques et aux actions sociales. Le dicton disant "prêche l’évangile, utilise la parole si besoin s’inscrit dans cette idée que l’évangile est fondamentalement un « mode de vivre » et que le ministère de l’évangile est « faire un monde meilleur. » Mais ceci ne contredit pas seulement ce qu’enseigne la Bible, à savoir que l’évangile doit se proclamer de vive voix et répondre aux personnes repenties et ayant la foi. Elle nie principalement l’évangile de la grâce par le biais d’actions salvatrices de Dieu et la remplace avec de bonnes œuvres et une amélioration de la morale. Dans l’évangile social, l’évangélisation disparait simplement. Aimer les pauvres « c’est prêcher la bonne parole ». En réponse à ceci, l’église conservatrice est profondément méfiante sur le fait de trop insister sur le ministère des pauvres. Ils entendent de nombreuses personnes de l’église émergente parler de rendre justice et d’œuvrer pour la paix comme notre principal moyen pour s’excuser et évangéliser les personnes. En considérant le désastre causé par l’église moderniste, la théologie libérale, le fait de se méfier est justifié. Mais comme je l’indique ci-dessus, la prédication évangélique conservatrice n’insiste pas, par conséquent, sur l’aide aux pauvres qui est mentionnée dans la Bible. Pourquoi ? Parce que c’est l’héritage de l’évangile social. Ceux qui ont accepté et rejeté l’évangile social déformaient les propos insistants de la Bible concernant l’aide aux pauvres (bien que ce soit fait de différentes manières).

A la lumière des textes bibliques, de nombreuses personnes aujourd’hui recherchent une sorte d’équilibre. D’un côté, certains disent qu’alors que les deux sont nécessaires, la préoccupation sociale est le moyen de mettre un terme à l’évangélisation. C’est-à-dire, nous devons avoir pitié et rendre justice uniquement parce qu’elle nous aide à amener les personnes à croire au Christ.[28] Ceci ne semble pas cadrer avec les dires des bons Samaritains de Jésus, qui nous invitent à prendre soin même des personnes « ingrates et méchantes » (Luc 6:35). Les moyens utilisés pour aboutir à cette vision finale engagent la responsabilité des chrétiens dans la manipulation. Au lieu d’aimer véritablement les autres en toute liberté, nous les aidons seulement à nous aider et à augmenter le nombre de chrétiens. L’une des plus grandes ironies de cette approche est qu’elle est contradictoire. J’ai connu de nombreux évangéliques qui évaluent les ministères de miséricorde par le nombre de convertis ou de membres/fidèles. Le sociologue Robert Putnam décrit ces initiatives fondées sur l’église comme un capital social centré sur le lien avec l’église (ou de manière exclusive), par opposition au capital social centré sur la transition avec la communauté (ou de manière inclusive).[29] C’est, le ministère de ces types d’églises qui n’est pas vraiment conçu pour augmenter le nombre de prochains mais seulement pour augmenter le nombre de fidèles. Mais cette approche est perçue comme étant égoïste et vulgaire par les personnes extérieures à l’église, et donc ils ne glorifient pas Dieu (Matt 5:13–16) parce qu’ils ne voient pas en nous le sacrifice et la grâce inconditionnelle de Dieu. Ils nous voient seulement donner là où nous pouvons obtenir quelque chose en retour (Luc 6:32–35).

D’un autre côté, les autres comme John Stott voit l’évangélisation et la préoccupation sociale comme des partenaires égaux :

L’action sociale est un partenaire de l’évangélisation. En tant que partenaires les deux appartiennent à l’un et l’autre et pourtant ils sont indépendants de l’un et l’autre. Chacun vole de ses propres ailes à côté de l’autre. Ce n’est ni une provocation envers l’autre, ni même une manifestation envers l’autre. Pour chacun, c’est une fin en soi.[30]

Ceci semble détacher le ministère beaucoup trop du ministère de la Parole. Il donne la possibilité au ministère de voler de ses propres ailes sans prêcher l’évangile. Je propose autre chose, une relation inséparable et asymétrique.

(2) L’évangélisation repose sur des bases plus élémentaires que le ministère des pauvres.

L’évangélisation doit être considérée comme la « principale face » du ministère de l’église dans le monde. La priorité doit être donnée au ministère de l’église. Il va de soi que, tandis que sauver une âme perdue et nourrir un estomac affamé sont deux actes d’amour, l’un a un effet infiniment plus important que l’autre. Dans le 2 Cor 4:16–18, Paul parle de l’importance de renforcer « l’intérieur de l’homme » alors même que la nature physique externe est vieillissante et en décomposition. L’évangélisation est le ministère le plus radical et fondamental possible pour l’être humain. Ceci est vrai, non pas parce que le spirituel est plus important que le physique (il faut veiller à ne pas tomber dans un dualisme de style grec !), mais parce que l’éternel est plus important que le temporel (Matt 11:1–6; Jean 17:18; 1 Jean 3:17–18).

(3) Mais le ministère aux pauvres est inséparablement lié à l’évangélisation.

Nous connaissons tous le dicton : « nous sommes uniquement sauvés par la foi, mais pas par la foi toute seule ». La foi est ce qui nous sauve, et pourtant la foi est inséparablement liée aux bonnes œuvres. Nous voyons dans Jas 2 que c’est également le cas avec l’évangile de la justification par la foi et la pitié envers les pauvres. L’évangile de la justification a la priorité. C’est ce qui nous sauve. Mais tout comme les bonnes œuvres sont indissociables de la foi dans la vie d’un croyant, donc prendre soin des pauvres est indissociable du travail de l’évangélisation et du ministère de la Parole. Dans le ministère de Jésus, guérir les malades et nourrir les affamés étaient indissociables de l’évangélisation (Jean 9:1–7, 35–41). Ses miracles n’étaient pas simplement dépourvus de démonstrations de puissance dans le but de prouver son côté surnaturel, mais ils étaient des signes du prochain règne (Matt 11:2–5.)

En définitive, le renouveau du salut du Christ inclut un nouvel univers. Pendant ce temps, il n’y a aucune partie de notre existence qui ne soit pas touchée par Sa bénédiction. Les miracles du Christ étaient des miracles du royaume, accomplis pour prouver ce que signifiait le royaume. . . . Sa bénédiction a été prononcée sur les pauvres, les personnes souffrantes, les personnes à charge et celles qui le sont lourdement, qui sont arrivés à Lui et qui ont cru en Lui. . . . Les signes miraculeux dont Jésus témoignait et authentifiait le témoignage de ceux qui transmettaient l’évangile à l’église n’ont pas continué, car ils avaient atteint leur but. Mais le modèle du royaume qui a été révélé à travers ces signes doit perdurer au sein de l’église. Nous ne pouvons pas croire les paroles de Jésus si nos actes ne reflètent pas la compassion de Son ministère. L’évangélisation du Royaume est par conséquent holistique car elle transmet par les mots et les actes la promesse du Christ pour le corps et l’âme ainsi que la demande du Christ pour le corps et l’âme.[31]

A plusieurs reprises les actes font un lien très étroit entre le partage financier des biens avec ceux dans le besoin et la multiplication du nombre de personnes converties par la prédication de la Parole. La descente du Saint-Esprit et une croissance explosive du nombre de fidèles (actes 2:41) sont liées au partage radical avec les personnes dans le besoin (2:44–45). L’acte 4 est une récapitulation : après le remplissage de l’Esprit, le partage financier des personnes au sein de l’église accompagne fortement la prédication de la résurrection (4:32–35). Suite à une meilleure implantation du ministère de diakonia, Luc ajoute, « alors la parole de Dieu se propage ». Le nombre de disciples à Jérusalem a augmenté rapidement » (6:7). Luc souligne de nouveau l’extrême étroit lien entre le ministère des actes et celui de la parole. Les actions concrètes des chrétiens pour les personnes dans le besoin ont démontrées la vérité et la puissance de l’évangile. Les actes de miséricorde et de justice sont visibles par les non-croyants et peuvent conduire les hommes à glorifier Dieu (Matt 5:13–16). L’empereur romain Julien L’Apostat a remarqué que les chrétiens étaient particulièrement bienveillants à l’égard des étrangers, « les Galiléens impies [c’est-à-dire, les chrétiens] viennent non seulement en aide aux pauvres, mais les chrétiens également, chacun peut s’apercevoir que notre aide manque aux pauvres. »[32]

(4) Indissociable ne veut pas dire un ordre rigide et temporel.

Que veut-on dire par « inséparable » ? Le ministère aux pauvres peut précéder le partage de l’évangile comme le ministère de Jésus l’a fait envers les aveugles. Même si le ministère par l’acte a conduit à l’illumination spirituelle des aveugles, il n’y a aucune indication prouvant que Jésus ait apporté une aide de manière conditionnelle. Il ne l’a pas poussé à croire comme il l’a guéri. Il lui a juste dit « d’y aller et de se laver » (Jean 9:7). Malgré cela quand Jésus a parlé de donner de l’argent et des vêtements à ceux qui l’ont demandé, il a insisté sur le fait que nous devions donner sans rien attendre en retour (Luc 6:32–35). Nous ne devons pas aider uniquement parce que la personne est à l’écoute de l’évangile, ni parce qu’elle ne devient pas spirituellement réceptive. Cependant, il devrait toujours être clair que ce qui motive notre aide est notre foi en Dieu, et que les douleurs doivent être prises en compte pour trouver des moyens non artificiels et non exploiteurs pour que les ministères de la Parole et les rassemblements continuent d’être enseignés et qu’il y ait une étroite communion avec les ministères de l’aide.

Résumé

Jésus appelle les chrétiens à être « les témoins », pour évangéliser les autres, mais également pour s’occuper beaucoup des pauvres. Il appelle ses disciples à la fois à « faire passer le message de l’évangile » (en poussant chacun d’entre nous à croire l’évangile) et à « faire de l’évangile son prochain » (en satisfaisant, sous la forme de sacrifice, les besoins de ceux qui sont autour d’eux qu’ils le croient ou non ! Les deux vont tout à fait ensemble.

  1. Ils vont ensemble dans la théologie. La résurrection nous montre que non seulement Dieu a créé le corps et l’esprit mais les sauvera également. Le salut que Jésus apportera finalement dans sa plénitude comprendra la libération de tous les effets du péché, non seulement spirituel mais aussi physique et matériel. Jésus est arrivé en prêchant à la fois la Parole et en guérissant et nourrissant les autres.
  2. Ils vont ensemble dans la pratique. Nous ne devons jamais hésiter à limiter l’évangélisation au ministère par l’acte comme l’a fait l’évangile social, mais à témoigner à travers d’actes d’amour ne remplaçant pas la puissance et la nature de la grâce de Dieu, témoignage irremplaçable vers la vérité de l’évangile.

2. Quelques réflexions sur la pratique de ce ministère

Je ne pense pas que cet essai soit le lieu pour étaler tous les détails concernant l’aspect pratique du ministère aux pauvres.[33] Mais il y a deux points concrets sur lesquels j’insisterais pour que les églises trouvent leur ministère aux pauvres.

Bilan de l’analyse : justice et miséricorde

C’est une chose de vouloir aider les pauvres. C’en est une autre chose de s’y prendre judicieusement. C’est très facile de commencer à s’impliquer dans la vie d’une famille de pauvres et d’empirer les choses plutôt que de les améliorer. Une des principales raisons pour que ceci arrive si souvent est dûe à deux idéologies politiques et non bibliques et à des réductionnismes qui règnent dans notre société d’aujourd’hui. Les conservateurs, en général, perçoivent la pauvreté comme un état provoqué par sa propre irresponsabilité. Les libéraux, en général, voient la pauvreté comme un état provoqué par des systèmes sociaux injustes. Les pauvres n’ont aucune possibilité de leur échapper.

La Bible nomme quelquefois le ministère aux pauvres « la justice » et parfois « le service » (diakonia) ou la miséricorde. Le plus célèbre appel biblique illustrant l’aide aux pauvres est peut-être la parole des bons Samaritains, dans laquelle cette aide s’appelle « miséricorde » (Luc 10:37). Mais ailleurs, partager de la nourriture, un toit, et d’autres ressources de base avec ceux qui ont moins qu’eux (Isa 58:6–10; cf. Lev 19:13, Jer 22:13) s’appelle « rendre justice ». Ne pas partager est vu non seulement comme un échec à être compatissant, mais aussi comme un échec à être juste.

Je pense que la raison d’utiliser ces deux termes: justice et miséricorde s’explique par la Bible, illustrant les causes de la pauvreté de manière beaucoup plus complexes que nos idéologies du moment.[34] La littérature de sagesse fournit une remarquable vue équilibrée et nuancée des causes profondes de la pauvreté. Dans les proverbes, nous pouvons voir les déclarations habituelles à cet effet : « Tout travail difficile est fructueux, mais le simple fait de parler conduit uniquement à la pauvreté » (Prov 14:23). Et pourtant on nous dit également, « le champ d’un pauvre peut produire de la nourriture en abondance, mais l’injustice balaye cette production » (Prov 13:23). Les facteurs, à la fois personnels et sociaux du système peuvent conduire à la pauvreté.

En fait, la Bible révèle au moins trois facteurs causant la pauvreté.

  1. Injustice et oppression : Il s’agit de toute condition sociale et injuste ou tout traitement qui maintient une personne dans la pauvreté (Ps 82:1–8; Prov 14:31; Exod 22:21–27). Le mot hébreu le plus important pour les pauvres dans l’Ancien Testament signifie « injustement oppressé ». Les exemples d’oppression dans la Bible comprennent des systèmes sociaux pondérés en faveur de la puissance (Lev 19:15), des prêts à intérêt élevé (Exod 22:25–27), et injustement les bas salaires (Eph 6:8–9; Jas 5:4).
  2. Calamité de circonstance : Il s’agit de tout désastre ou circonstance naturels qui amène ou maintient une personne dans la pauvreté. L’Ecriture est remplie d’exemples comme les famines (Gen 47), les blessures handicapantes, les inondations, et les feux.
  3. Echec personnel : La pauvreté peut aussi être provoquée par ses propres péchés et échecs personnels, tels que l’indolence (Prov 6:6–7) et d’autres problèmes comme l’auto- discipline (Prov 23:21).

Ces trois facteurs sont indissociables. Généralement, ils ne créent pas de « tranches » séparées de pauvreté (sauf dans les cas extrêmes, tel qu’un ouragan laissant les personnes sans toit et dans le besoin immédiat pour ce qui est des soins matériels). Au contraire, les trois facteurs sont habituellement présents de manière interactive. Par exemple, une personne élevée dans un ghetto ethnique/économique (facteur #1) est susceptible d’avoir des problèmes de santé (facteur #2) et également de faire l’apprentissage de beaucoup de coutumes de la part de leur communauté qui ne cadrent pas avec le problème social/matériel (facteur #3).

Pourtant le facteur #3 peut être perçu comme une version du facteur #1. Par exemple, l’échec des parents d’un enfant quant à la lecture, à l’éducation, ou à l’apprentissage à prendre l’ habitude d’ être honnête, assidu, et gentil quand ils seront adultes correspond au facteur #3 (sa propre irresponsabilité) pour les adultes mais au facteur #1 (l’injustice) pour les enfants. Les enfants vivant en centre-ville, qui n’est pas de leur faute, peuvent aller dans une école d’un faible niveau scolaire et grandir dans un environnement général extrêmement préjudiciable pour apprendre. Les conservateurs peuvent dire que c’est la faute des parents ou de la société tandis que les libéraux le voient comme un échec du gouvernement et/ou le fruit d’un racisme de la société. Mais personne ne dira que c’est la faute des enfants ! Bien sûr, il est possible pour les jeunes nés dans la pauvreté de s’en sortir, mais il faut plus de temps, une force de l’âme, de l’indépendance, de l’innovation, et du courage pour simplement aller à l’école ou pour décrocher un emploi que pour tout autre enfant dans le monde né dans un milieu de classe moyenne. Bref, certains enfants grandissent avec deux cent plus de fois de réussir à l’école et dans la vie professionnelle que les autres. (Vous ne pouvez pas demander à un enfant illettré de huit ans qui deviendra un illettré de dix-sept ans de « se faire tout seul ! ») Pourquoi cette situation existe-t-elle ? Cela fait partie de la profonde injustice qui règne dans notre monde. Le problème n’est que l’affaire d’une répartition injuste en matière de chances et de ressources.

En résumé, de nombreux « conservateurs » souhaitent aider les pauvres principalement par pitié. Cette attitude peut venir du fait qu’ils croient que la pauvreté est surtout un problème d’irresponsabilité des personnes. S’ajoute le fait que les riches ont ce qu’ils possèdent à un niveau élevé de par une répartition injuste des chances et des ressources acquises à la naissance. Si nous possédons les biens du monde, c’est qu’ils sont finalement un cadeau. Si nous serions nés dans d’autres circonstances, nous pourrions facilement être très pauvres sans que ce soit de notre faute. A ne pas partager ce que vous avez n’est pas juste une attitude sans pitié mais injuste. D’un autre côté, de nombreux « libéraux » souhaitent aider les pauvres principalement sans indignation et injustice. S’ajoute le fait que la responsabilité individuelle et le fait de changer ont beaucoup à faire pour échapper à la pauvreté, qui est vue uniquement comme une inégalité structurelle. Alors que le souhait des conservateurs pour « avoir seulement pitié » conduit au paternalisme et au droit de dispenser d’un bénéfice, le souhait des libéraux pour être seulement juste conduit à beaucoup de colère et de rancœur.

Les deux points de vue deviennent ironiquement pharisaïques. L’un tend à blâmer les pauvres pour tout, l’autre à blâmer les riches pour tout. L’un donne trop d’importance à l’irresponsabilité des personnes, l’autre ne lui en donne pas assez. Un souhait égalitaire découle d’un cœur touché par la grâce, qui a perdu ses sentiments de supériorité envers une catégorie de personnes en particulier. Gardons en tête quelque chose de très clair: c’est l’évangile qui nous motive pour agir dans la miséricorde et en justice. Dieu dit à Israël, « Les étrangers qui vivent avec vous doivent être considérés comme ceux des nôtres. Aimez-les comme vous vous aimez, pour vous les étrangers sont l’Egypte. Je suis le Seigneur de ton Dieu » (Lev 19:34). Les israélites ont été des « étrangers » et ont été des esclaves opprimés en Egypte. Ils ne peuvent pas les libérer. Dieu les a libérés par sa grâce et son pouvoir. A présent, ils sont considèrent des personnes ayant moins de pouvoir ou de biens comme des prochains, en leur apportant de l’amour et en étant juste. Donc rendre justice se fonde sur le salut par la grâce !

Nous avons dit au début de ce chapitre que cet équilibre entre la miséricorde et la justice, en prenant en compte les aspects et les causes personnels et sociaux de la pauvreté, est nécessaire d’être sensé pour le ministère de l’église aux pauvres. Une idéologie conservatrice sera de loin trop intolérante et probablement trop dure à l égard d’une famille de pauvres et ne prendra pas en compte les facteurs sociaux-culturels les plus invisibles aux problèmes. Une idéologie libérale ne mettra pas suffisamment l’accent sur la repentance et le changement de la personne.

Une division du travail : les personnes et l’église

Le ministère de l’église évangélique comprend des non-croyants prêchant l’évangélisation et façonnant tous les domaines de la vie des croyants avec l’évangile, mais cela ne signifie pas, selon ses aînés, que l’église en tant qu’institution doit mener toutes les activités des membres en groupe. Par exemple, alors que l’église doit discipliner ses membres qui sont des cinéastes pour que leur art cinématique soit profondément influencé par l’évangile, l’église ne doit pas exploiter une entreprise de production cinématographique. Voici où « la souveraineté de la sphère » d’Abraham Kuyper peut être d’une quelconque aide (bien que je reconnaisse ses limites et ses problèmes). Kuyper insiste à juste titre que l’église sert à prêcher l’évangile (évangéliser et discipliner), adorer et observer les sacrements, et à s’engager dans la discipline ecclésiastique. Dans ces activités ce sont les membres qui s’engageront dans l’art, la science, l’éducation, le journalisme, la production de films, le commerce, et ainsi de suite. Mais l’église ne doit pas agir dans ces entreprises. Kuyper, par exemple, ne permettrait même pas qu’une congrégation locale agisse sur une école chrétienne, puisqu’il croyait que l’éducation des enfants était le rôle de la famille, et non de l’église.

Dans cet esprit, le ministère de l’église aux pauvres signifie beaucoup de choses en tant que lien du groupe pour les chrétiens pour remplir leur devoir biblique envers les pauvres, comme témoin du groupe envers la communauté transformant son amour pour le Christ, et comme « structure plausible » importante pour la prédiction de l’évangile. Cependant, l’église doit reconnaitre les différents niveaux de ministère aux pauvres et doit connaitre ses limites.

  1. Assistance: C’est une aide directe pour satisfaire des besoins sociaux/matériels/physiques. Les ministères pour l’assistance commune sont des abris temporaires pour les sans-abris, des aides pour se nourrir et se vêtir pour les personnes qui se trouvent dans un besoin extrême, des aides médicales, et un conseiller pour gérer la crise, et ainsi de suite. Une autre forme d’aide plus bénéfique est la « défense », dans laquelle une assistance est apportée aux personnes dans le besoin pour obtenir une aide juridique, les aider à trouver un logement, et à trouver d’autres aides. A eux seuls les programmes d’assistance peuvent créer des schémas de dépendance.
  2. Développement: C’est ce qui est nécessaire pour amener une personne ou une communauté vers l’autosuffisance. Dans l’AT, lorsque la dette d’un esclave a été effacée et qu’il a été relâché, Dieu a ordonné à son ancien maître qui l’envoie avec du blé, des outils, et des ressources vers une nouvelle vie en autarcie (Deut 15:13–14). Le développement pour une personne s’agit de l’éducation, de la création d’emplois, et de la formation. Mais le développement pour un quartier ou une communauté entraine le réinvestissement du capital social et financier pour développer un système de logements sociaux et d’accès à la propriété, et d’autres investissements en capitaux, et ainsi de suite.
  3. Réforme: La réforme sociale va au-delà de l’assistance aux besoins immédiats et à la dépendance et cherche à changer des conditions sociales et des structures qui aggravent ou causent cette dépendance. Job nous dit que non seulement ils habillent les personnes sans vêtements, mais « qu’il a cassé les dents des méchants et qu’il leur a fait abandonner leurs victimes » (Job 29:17). Les prophètes ont dénoncé des salaires inégaux (Jer 22:13), des pratiques de corruption dans le commerce (Amos 8:2, 6), des systèmes juridiques influents qui ont pesé en faveur des riches (Lev 19:15; Deut 24:17), et un système de prêt de capital qui gouge la personne aux revenus modestes (Exod 22:25–27; Lev 19:35–37; 25:37). Daniel appelle un gouvernement païen pour représenter le manque de pitié du gouvernement envers les pauvres (Dan 4:27). Cela signifie que les chrétiens doivent travailler également pour une communauté en particulier pour obtenir une meilleure protection de la police, plus de pratiques équitables de la part des banques, des pratiques de répartition en différentes zones, et de meilleures lois.

Mais l’église devrait-elle être réformée ou même être développée ? Pour des raisons pratiques et théologiques, en général, la réponse est que l’église institutionnelle doit se concentrer sur la première partie et le second niveau, concernant l’aide et le développement personnel. Lorsqu’il s’agit du second et du troisième niveau, concernant le développement de la communauté, la réforme sociale, et les structures sociales, les croyants doivent passer par des associations et des organisations plutôt que par l’église de leur quartier. Ce n’est pas facile de fixer les limites de manière dogmatique. Des conditions sociales et culturelles diverses peuvent affecter la manière dont l’église s’implique directement dans le traitement des questions relevant de la justice. Comme nous revenons vers elle à présent, nous approuvons les églises anglo-saxonnes et blanches qui prêchaient contre les méchants de l’esclavage africain en Amérique. Alors, l’église afro-américaine, selon des conditions extrêmes d’esclavage et proche de celui-ci, s’est également attaquée aux trois niveaux du ministère aux pauvres et ceci encore maintenant.

Toutefois, en règle générale, je crois que l’église doit participer au premier niveau, mais les ministères, les organisations et les associations bénévoles doivent s’organiser pour faire les second et troisième niveaux. Pourquoi ?

1. De nombreuses personnes diraient que les second et troisième niveaux sont trop chers et qu’ils retireraient des ressources financières du ministère de la Parole. 2. D’autres disent qu’ils sont trop politiques et qu’ils insisteraient à ce que la congrégation s’apparente avec certains magistrats civils et certains partis politiques qui compromettraient l’église d’une certaine façon. 3. D’autres disent que les second et troisième niveaux sont trop complexes et que ce n’est pas avec l’ensemble des compétences ou des obligations des anciens de l’église qu’ils réussiront à les diriger. Leur travail est le ministère de la Parole de Dieu et de la prière (Actes 6:1–7).

Tous ces arguments ont un certain mérite mais doivent être nuancés et retravaillés afin de rendre justice à ma thèse. Je n’ai pas ici le temps nécessaire pour le faire. Je ferai remarquer que seulement la plupart des églises aux Etats-Unis qui sont profondément impliquées dans l’aide aux pauvres ont jugé plus sage de faire appel aux entreprises à but non lucratif pour développer la communauté et réformer les structures sociales, plutôt que de chercher à le faire directement par le biais de congrégations locales sous l’influence des aînés.

3. Jésus, le pauvre homme

Les proverbes nous racontent que Dieu s’identifie aux pauvres. « Si vous le faites aux pauvres, vous me le faites ». le verset Matt 25 dit la même chose. J’ai montré ci-dessus ce que cela signifie, que le jour du jugement Dieu pourra juger de l’amour d’une personne pour lui à travers l’amour de la personne pour les pauvres. Cependant, cela signifie également quelque chose de plus profond.

Dans les proverbes et le verset Matt 25, Dieu s’identifie aux pauvres de manière symbolique. Mais à travers l’incarnation et la mort de Jésus, remarquez que Dieu s’identifie réellement aux pauvres et aux marginaux. Jésus est né dans une maison où la nourriture ne manquait pas. Au moment de sa circoncision, la famille de Jésus a offert le nécessaire aux pauvres (Luc 2:24). Il a dit, « Les renards font des trous et les oiseaux font des nids, mais le Fils de l’Homme n’a aucun endroit pour poser sa tête » (Matt 8:20). A la fin de sa vie, il entra à Jérusalem sur un âne qui n’était pas à lui, passa sa dernière soirée dans une maison qui n’était pas la sienne, et à sa mort, il fût mis dans un tombeau qui ne l’appartenait pas. Ils se sont débarrassés de tout sauf de sa robe, la seule chose qu’il possédait, car sur la croix il a été dépouillé de tout.

Tout ceci donne un nouveau sens à la question: « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu affamé, assoiffé, nu ou en prison » ? La réponse est la suivante: sur la croix, là où il est mort au milieu des voleurs, parmi les marginaux. Pas étonnant que Paul puisse dire qu’une fois avoir vu Jésus devenir pauvre pour nous, vous ne regarderez plus jamais les pauvres de la même manière.


  1. article est un manuscrit légèrement révisé venant d’un document présenté le 28 mai 2008 lors du colloque des pasteurs sur la coalition de l’évangile à Deerfield, IL.
  2. D. A. Carson, « L’évangile de Jésus-Christ (1 Cor 15:1–19) », sermon prêché le 23 mai 2007 lors de la conférence sur la coalition de l’évangile à Deerfield, IL, disponible à l’adresse suivante: http://thegospelcoalition.org/resources/a/What-is-the-Gospel2.
  3. Carson, « L’évangile de Jésus-Christ. »
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.
  7. Jonathan Edwards, « La charité chrétienne: ou, le devoir de charité envers les pauvres », expliqué(e) et mis(e) en pratique, à travers les Œuvres de Jonathan Edwards (rév. et corrigé(e) par Edward Hickman; 1834; réimprimé(e), Carlisle, PA: Bannière de Vérité, 1974), 2:163–73.
  8. Ibid., 2:164.
  9. Ibid., 2:165.
  10. Ibid., 2:165.
  11. Ibid., 2:171.
  12. Richard N. Longenecker, Galates (WBC 41; Dallas: Parole, 1990), 275.
  13. Philip Graham Ryken, Galates (Commentaire de l’exposant réformé ; Phillipsburg, NJ: Presbytérien & réformé, 2005), 248.
  14. Edwards, « La charité chrétienne, » 2:171 (mise en valeur dans le document original).
  15. Ibid., 2:170.
  16. Ibid., 2:171–72.
  17. Ibid., 2:172 (Objection IX.4).
  18. Bruce K. Waltke, Commentaire sur Micah (Grands rapides: Eerdmans, 2007), 164. Waltke insiste sur le fait qu’aider les pauvres signifie « justice » et parfois « miséricorde ». J’utiliserai les deux termes et j’expliquerai brièvement la différence entre les deux plus tard dans l’essai.
  19. Ibid., 390–94.
  20. Edwards, « La charité chrétienne, » 2:166 (mise en valeur dans le document original).
  21. Ibid.
  22. Douglas J. Moo, La lettre de James (Commentaire-clé du Nouveau Testament; Grands rapides: Eerdmans, 2000), 117.
  23. Edwards, « La charité chrétienne » 2:164.
  24. Ibid., 2:169.
  25. Au cas où le monde serait recréé plutôt que remplacé, voir Douglas J. Moo, « La nature au cœur de la nouvelle création: Eschatologie du Nouveau Testament et de l’environnement », JETS 49 (2006): 449–88; et Herman Bavinck, « Le renouveau de la création, » chap. 18 dans les dogmes réformés (Grands rapides: Baker, 2008), 4:715–30.
  26. E.g., « Et vous avez le devoir d’aimer ceux qui vous sont étrangers, vous étiez vous-mêmes des étrangers » (Deut 10:19).
  27. Craig L. Blomberg, Pas de pauvreté ni de richesses: Théologie biblique des richesses (Nouvelles études dans la théologie biblique 7; Downers Grove: IVP, 2001).
  28. Voir C. Peter Wagner, La montée de l’église et de l’ensemble de l’évangile: Obligation de la Bible (San Francisco: Harper & Row, 1981), 101–4.
  29. Robert D. Putnam, Jouer seul: L’effondrement et le renouveau de la communauté américaine (New York: Simon & Schuster, 2000), 22–24.
  30. John R. W. Stott, Mission des chrétiens dans le monde moderne: Qu’est-ce que l’église doit faire à présent ! (Downers Grove: IVP, 1975), 27.
  31. Edmund P. Clowney, L’évangélisation du royaume, dans l’évangéliste-pasteur: Prédicateur, modèle, et mobilisateur pour la montée de l’église (éd. Roger S. Greenway; Phillipsburg, NJ: Presbytérien & Réformée, 1987), 22.
  32. Citée dans Rodney Stark, La montée du christianisme: Comment le mouvement caché, marginal de Jésus est-il devenu la force religieuse qui domine le monde occidental en quelques siècles (San Francisco: HarperCollins, 1997), 84.
  33. Note de l’éditeur: Cf. Timothy J. Keller, Ministères de la miséricorde: L’appel de la route de Jéricho (2ème éd.; Phillipsburg, NJ: Presbytérien & Réformée, 1997).
  34. Cf. D. A. Carson, « Combien de temps, ô Seigneur ? Réflexions sur la souffrance et le mal (2ème éd.; Grands rapides: Baker, 2006), 51–59, parlant des six catégories de pauvreté. »